Bienvenue à Gattaca
(1998) | Andrew Niccol
Avec les récents et
décevants Les Âmes Vagabondes et Time
Out, Andrew Niccol connaît pourtant ce genre si pointu
qu’est la science-fiction. En témoigne son premier long-métrage
Bienvenue à Gattaca, un thriller futuriste
fascinant.
Dans un monde parfait, Gattaca est un centre d'études et de
recherches spatiales pour des jeunes gens au patrimoine génétique
impeccable. Jérôme, candidat idéal, voit sa vie détruite par un
accident tandis que Vincent, enfant naturel, rêve de partir pour
l'espace. Chacun des deux va permettre à l'autre d'obtenir ce qu'il
souhaite en déjouant les lois de Gattaca.
Le premier long-métrage de Niccol joue, de façon grisante, sur le paradoxe des hommes parfaits qui ne le sont pas toujours et de ceux qui peuvent l’être sans avoir les prédispositions nécessaires. Avant-gardiste, cette dystopie se veut haletante grâce à son double scénario : la fraude de Vincent et le meurtre à Gattaca. La question de l’eugénisme offre une réflexion ancrée dans l’air du temps sur notre société, aspirant toujours à une excellence ultime. Un récit fort pour un final fort qui délivre un magnifique message d’espoir en toute retenue. Thriller débordant d’idées, ce film de SF est intelligent et provocateur, pour un scénario écrit en toute modestie.
La mise en scène, à
l’esthétique rétro, est toute en transparence. Andrew Niccol a
fait le choix de ne pas utiliser d’effets spéciaux,
plongeant le public dans la contemplation d’un monde aseptisé trop
lisse d’apparence pour ne pas être perverti par des questions
morales. L'homme derrière le fabuleux Lord of War exprime un univers froid et fou avec une
étonnante clarté, presque chirurgicale. Sans délire esthétique,
la mise en scène brille par sa sobriété et son efficacité.
L’habileté de Niccol permet d’offrir un macrocosme moderniste
dans lequel le spectateur peut facilement se projeter. Gattaca est
une science-fiction que l’on peut toucher du doigt.
Les décors glacés et la
photographie de contrastes, humbles et pourtant recherchés,
résonnent adroitement en écho avec le thème de la génétique.
Résonnance également apportée par la bande-originale de Michael
Nyman, grandiose, envoutante et délicate à la fois.
Rien n’est laissé au
hasard, pas même le nom du film (Gattaca en version
originale) faisant référence aux quatre nucléotides, composants de
l’ADN : Guanine, Cytosine, Adénine, Thymine. L’escalier du
studio de Vincent semble également narguer le brin d’ADN avec sa
forme hélicoïdale.
Bienvenue à Gattaca
fonctionne aussi grâce à une distribution judicieusement choisie.
Le charismatique trio Ethan Hawke, Jude Law et Uma Thurman joue avec
subtilité et émotion sans jamais verser dans le pathos. Hawke délivre
une excellente performance passant d’un calme olympien à la
tension d’un criminel en fuite. Son personnage est des plus
attachants, nous ressentons et vivons avec lui ses épreuves et les
discriminations qu’il subit, nous, enfants de la providence. Jude
Law interprète avec justesse et intensité un névrosé invalide
porté sur l’alcool. Uma Thurman, quant à elle, est aussi parfaite
que les gènes de son personnage.
Film d’anticipation,
Bienvenue à Gattaca apparaît comme l’un des meilleurs
films de science-fiction. Sa force et son efficacité tiennent dans
l’ingéniosité d’un scénario modeste allié à une cohérence
artistique et esthétique irréprochable. Article rédigé par Cléa Carré
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