Succès planétaire de « Drive »
oblige, Nicolas Winding Refn était attendu au tournant sur son
nouveau long métrage. Et pour cause, le danois ne fait absolument pas
partie de cette catégorie « grand public » de
réalisateurs interchangeables dits « Yes Men » dans le
milieu, NWR peut se vanter d’une patte artistique singulière avec
son esthétique sidérante et sa violence inouïe, voire
imprévisible. Aujourd’hui, le metteur en scène de « Bronson »
sort dans les salles « Only God Forgives », tourné en
Thaïlande, et dont la bande annonce hypnotise tout le monde depuis
des mois.
Synopsis Allociné :
A Bangkok, Julian, qui a fui la justice américaine, dirige un club
de boxe thaïlandaise servant de couverture à son trafic de drogue.
Sa mère, chef d’une vaste organisation criminelle, débarque des
Etats-Unis afin de rapatrier le corps de son fils préféré Billy :
le frère de Julian vient en effet de se faire tuer pour avoir
sauvagement massacré une jeune prostituée. Ivre de rage et de
vengeance, elle exige de Julian la tête des meurtriers. Julian devra
alors affronter Chang, un étrange policier à la retraite, adulé
par les autres flics …
Le cinéma de Winding Refn a toujours
dégagé quelque chose de fascinant. Du « Guerrier silencieux » à « Bronson », en passant par sa
trilogie « Pusher », le réalisateur danois aime les
figures, on le sait, et filme toujours ces dernières avec une
sincérité foudroyante, ainsi qu’avec un goût prononcé pour le sens
des images et la violence hors norme.
Le bonhomme frappe encore une fois très fort
avec cet anti-« Drive 2 » onirique, surréaliste et expérimental,
tendance arty, à la beauté sidérante, à la noirceur prégnante,
dont la mise en scène chiadée et inventive nous rappelle
constamment les filtres rougeâtres du frenchy Gaspar Noé.
Explorant le complexe d'Oedipe de
manière brutale et captivante façon Romulus & Rémus, en déracinant les sombres recoins de
la personnalité du ténébreux Julian (Ryan Gosling) et de sa mère,
interprétée par une Kristin Scott Thomas impitoyable, à
contre-emploi total, la caméra de Winding Refn flirte une nouvelle
fois avec la mort pour enfanter un hallucinant cauchemar thaïlandais,
vain et déjanté, dans un style proche des trips Lynchiens et Wong Kar-waïens. Avec « Only God Forgives », NWR, en
mode punk radical et rentre-dedans, développe sa passion pour les plans de
couloirs, marchant sur les traces de son mentor Stanley Kubrick.
« Only God Forgives »,
au-delà de son appétit féroce pour une sauvagerie qui pourra en
dérouter plus d'un, est avant tout un film éblouissant sur les
relations mère – fils, sur l'honneur, la vengeance, le fantasme,
l'humiliation, l'opposition, l'impuissance, la perte
de l'objet désiré...
Jamais obscène, malsain ou incestueux,
le scénario de « Only God Forgives », qu'on pourrait
considérer à tort comme chétif, balaye ces thématiques sans
aucune concession et laisse le spectateur pantois à la sortie, libre
de toute réflexion.
Ryan Gosling, plus neurasthénique et
mutique que jamais, poursuit sur sa lancée de « Drive »
dans un rôle complexe de gérant de club de boxe, meurtri d'abord
symboliquement par des angoisses de castration, puis littéralement –
la gueule défoncée – par le personnage du flic thaï qu'incarne
Vithaya Pansringarm (prestation diabolique), unique figure paternelle du film.
Côté crew, comme on ne change
pas une équipe qui gagne, c'est le compositeur de « Drive »,
Cliff Martinez, qui se charge une nouvelle fois de sublimer les
images de NWR, à l'aide d'une bande-son absolument magnétique.
Bilan : Accueilli sur la
croisette par un tonnerre d'applaudissements et quelques huées
simultanées après la séance, le nouveau film de Nicolas Winding Refn est à la fois limpide et affreusement déconcertant. Décoratifs
et névrosés, « Only God Forgives » et les bas-fonds de Bangkok filmés sous les néons n'ont pas fini de faire
parler d'eux.
La Bande Annonce de Only God Forgives:
NOTE: 9/10
Très bonne critique! Je suis entièrement d'accord avec toi, même si j'ai quelques réserves notamment sur l'interprétation de Kristin Scott Thomas que je trouve un peu too much. Je voulais pas la lire avant d'avoir terminé la mienne, mais j'ai craqué ^^
RépondreSupprimerMerci Aymeric, ça me fait plaisir :)
SupprimerCritique constructive, ample et aboutie qui plus est sur un film qui laisse tout sauf pantois. Félicitations.
SupprimerCritique intéressante pour un film qui ne peut pas laisser indifférent. Je suis fan de Noé depuis toujours ( enfin depuis que je connais son ciné ) et j'avoue qu'il est impossible de ne pas penser à lui dans certaines scènes qui renvoient clairement à Enter the void. Je ne suis pas aussi enthousiaste que vous quant à la bande originale que j'ai trouvée plutôt... non pas mauvaise mais souvent inadaptée aux scènes, en décalage. Mais peut-être était-ce volontaire ? Je vais retourner voir ce film, c'est certain, ne serait-ce que pour comprendre pourquoi j'ai voulu quitter la salle au cours de la première partie tellement je trouvais ça mauvais, lent et emprunté, voire pédant. Heureusement que je suis restée pour en voir plus, et en apprécier les qualités, car ce film n'en est pas exempt.
RépondreSupprimerJ'ai appris que Gaspard Noé était même sur le tournage en fait. Sinon j'ai trouvé la BO assez envoûtante oui, même si effectivement je reconnais qu'il y a parfois un espèce de décalage.
SupprimerNoé et Refn s'admirent tous deux, et il y a une interview croisée des deux cinéastes dans le numéro de mai de Première, assez intéressante, d'ailleurs !
SupprimerJe vais lire ça tiens. Merci du tuyau
SupprimerJe dis re- OUI... Fan de la première heure de NWR (pour moi actuellement le meilleur) il frappe encore un grand coup... Néanmoins je trouve que depuis "Drive" Hollywood semble araser le côté rugueux du réal, attention pour le prochain... Tous ses autres films ont eu mini 9/10 mais là je mets 8/10... En espérant...
RépondreSupprimerJe suis content que tu aies aimé :)
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