Après Kim Jee-woon (« Le Dernier rempart » en début d'année) et avant Bong Joon-ho
(« Le Transperceneige » attendu pour l'été), voilà
qu'un autre coréen débarque à Hollywood, en l'occurrence le
prolifique Park Chan-wook, auteur de quelques pépites dans son pays
natal – sa trilogie de la vengeance pour ne citer qu'elle :
« Sympathy for Mr. Vengeance », « Old Boy »,
« Lady Vengeance ».
Et c'est sur « Stoker »
que Park Chan-wook a jeté son dévolu en décidant de franchir le
cap des continents. « Stoker », ce fameux script écrit
par Wentworth Miller, ex-Michael Scofield relativement discret depuis
l'arrêt de la série Prison Break, et tombé en 2010 dans la Liste
Noire d'Hollywood – qui désigne les meilleurs scénarii ne
demandant qu'à être produits.
Qualifié par son auteur
Miller comme un croustillant mélange entre « film d'horreur,
drame familial et thriller psychologique », le projet devint
rapidement alléchant lorsque la prometteuse Mia Wasikowska fut
engagée par la production pour incarner le rôle principal.
Synopsis Allociné :
Après la mort de son père dans un étrange accident de voiture,
India, une adolescente, voit un oncle dont elle ignorait l'existence,
venir s'installer avec elle et sa mère. Rapidement, la jeune fille
se met à soupçonner l'homme d'avoir d'autres motivations que celle
de les aider. La méfiance s'installe, mais l'attirance aussi …
On connaissait
l'affection de Park Chan-wook pour les atmosphères narratives
guidées par des personnages mystérieux. Pas étonnant donc de le
retrouver aux commandes de ce thriller à l'ambiance hautement
machiavélique, dont le leitmotiv pourrait se résumer ainsi :
« l'influence et l'emprise d'un homme sur des gens plus
faibles ».
Titre faisant directement
allusion à Bram Stoker, l'écrivain à qui l'on doit le roman
« Dracula », « Stoker » est également
fraîchement inspiré par l'univers oppressant et claustrophobique du
chef d'œuvre d'Alfred Hitchcock, « Sueurs froides ». Une
comparaison loin d'être anodine puisque l'hommage au senseï de
Chan-wook est décelé à travers de nombreux autres clins d'œil,
que ce soit via la bande-son de Clint Mansell, dont les notes
rappellent étrangement celles d'un certain Bernard Herrmann, ou
lorsqu'il est question d'aborder le jeu d'attirance / répulsion
d'une jeune ado pour son oncle monstrueux – flagrante parenté
scénaristique avec « L'Ombre d'un doute ».
Enfin, les références
plus ou moins évidentes – et assumées – de Chan-wook pour ses
pairs sont d'une part les poèmes d'Edgar Allan Poe teintés de
noirceur et la malsainité d'un Polanski, et d'autre part les premiers longs de Brian De Palma
(« Pulsions », « Blow Out ») et de Tim Burton, dont il
s'accapare le style maniéré et l'expressionnisme – l'exacerbation
des sens et des images en tête – dans sa mise en scène. Saluons
également un artifice paraphile qui devrait faire plaisir à Quentin Tarantino : le fétichisme des pieds de Chan-wook, vérifiable
par les plans redondants sur les extrémités distales des
demoiselles filmées (Wasikowska, Kidman).
Scénario malsain,
scénario malin. Qui l'eût cru ? Wentworth Miller livre une
histoire envoûtante par son ambiance à la fois hermétique et
glaciale, celle d'une adolescente endeuillée, tantôt dans la
compassion, tantôt froide et distante, interprétée par une Mia Wasikowska talentueuse. L'« Alice » de Burton confirme
haut la main les espoirs placés en elle après son passage chez Gus Van Sant il y a deux ans. Chapeau également pour Matthew Goode, vu
dans « Match Point » et « Watchmen », qui
incarne avec brio l'oncle à la fois élégant et énigmatique, la
folie masquée derrière son regard. Nicole Kidman complète ce duo
de comédiens en interprétant la mère de famille, séductrice au
départ puis victime apeurée dans un second temps.
Jugé à juste titre
d'« OCNI » (Objet Cinématographique Non Identifié) par
la Fox Searchlight, « Stoker » recèle une
certaine atmosphère pesante à la « Funny Games », ainsi qu'une tension dramatique grâce à sa magnifique photographie,
composée d'images léchées et rendant grâce encore une fois au
maître du suspense Hitchcock. Elle est signée Chung Chung-hoon, un
proche collaborateur de Chan-wook – 6 films ensemble – qui
effectue dans « Stoker » un subtil jeu d’ombres et de
lumières, parfaitement maîtrisé, donnant un aspect énigmatique
aux scènes, dès lors davantage palpitantes.
Soyons unanimes enfin
pour remercier le travail sonore percutant (les bruits du métronome,
la pelle enfoncée dans la terre…), qui participe de manière
remarquable à créer cette atmosphère haletante voire oppressante.
Bilan : Pour
son baptême hollywoodien, Park Chan-wook, le coréen aux multiples
facettes, réalise un film déroutant, machiavélique, fétichiste,
maniéré, macabre, pervers, choquant et malsain. Il faut dire que l'homme est bien
aidé par un scénario astucieux, un casting robuste et des inspirations qui pleuvent (Poe, Hitchcock, Polanski, De Palma, Dario Argento).
La Bande Annonce de Stoker:
NOTE: 8/10
(écrit avec l'aimable participation de Noël Surcouf, merci)
J'hésite encore à me laisser tenter, mais étant donné que je ne lis que des critiques positives...
RépondreSupprimerN'hésite plus !
SupprimerRerebonjour, bon film d'atmosphère malsaine très bien réalisé et le réalisateur sait ménager le suspense. Toutes les clés nous sont révélées au fur et à mesure. La fin peut faire penser à une suite. Bonne après-midi.
RépondreSupprimerConnaissant Park Chan-wook, cela m'étonnerait fort que ce film bénéficie d'une suite, ce n'est vraiment son genre. Qui plus est, Stoker n'a pas très bien marché au box office us :(
SupprimerTrès bonne critique! J'hésitais à y aller, du coup je vais peut-être me laisser tenter :)
RépondreSupprimerMerci, et oui, vas-y !
SupprimerBeaucoup aimé mais je trouve que le réal c'est un peu auto-censuré... 3/4
RépondreSupprimerah bon ? pourquoi tu dis ça ?
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