Film Otaku par excellence, attendu
depuis des décennies au Japon, « Pacific Rim », signé
Guillermo del Toro, est assurément le blockbuster le
plus ambitieux de l'année et le plus guetté parmi la geek
generation.
Pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce que Guillermo del Toro est ce brillant auteur détectable dans la masse grâce à sa
touche esthétique singulière, marquée notamment par un fétichisme
des monstres en tout genre, les insectes souvent, mais aussi les
entités à l'état larvaire, ou les appareils servant à mesurer le
temps. Sa filmographie en est un incroyable témoin : « Mimic »,
« Hellboy II les légions d'or maudites »,
« Cronos », « Blade II », et bien sûr le
chef d'œuvre artistique « Le Labyrinthe de Pan ».
Secondo car « Pacific Rim »,
après une promotion laborieuse outre-Atlantique, a reçu le soutien
de nombreuses célébrités mondiales : certains étonnants
(celui du rappeur Kanye West), d'autres moins (le célèbre
concepteur de jeux vidéos Hideo Kojima, père de la saga
vidéoludique « Metal Gear Solid », ou encore l'actrice
en vogue Emma Watson, amie du metteur en scène mexicain).
Enfin, pour le motif complexe que tous
les yeux d'Hollywood (les analystes, les créanciers, les équipes
techniques, les comédiens, les réalisateurs) seront rivés sur les
compteurs du box-office us lors du premier week-end d'exploitation en
salles. Explications : si « Pacific Rim » cartonne,
alors les majors américaines (Warner Bros. , Paramount Pictures, 20th Century Fox, Universal Pictures , Sony Pictures Entertainment, Disney) continueront
probablement à produire des projets créatifs high budget
maintenant à flot les artistes qui se donnent les moyens de leurs
ambitions pour être reconnus comme de réels auteurs. Si le public
tourne le dos à « Pacific Rim », comme ce fut le cas
récemment pour les quelques productions à budgets maousses dites
« originales », « After Earth »,
« Oblivion », « Lone Ranger » et « White House Down », les grandes firmes hollywoodiennes se résigneront
vraisemblablement à financer uniquement des films dits
« franchisés » : remake, reboot, sequel,
prequel, spin-off, adaptations de romans, de
comic-book, de jeux, et consors, ou issus d'une licence, gages de
rentabilité colossale en termes économiques.
Pour mettre en boîte le démesuré
« Pacific Rim », on notera que Guillermo del Toro s'est
attaché les services des plus talentueux techniciens contemporains :
Peter Amundson, le monteur de « Godzilla » et « Hellboy »,
Richard L. Johnson, le directeur artistique
de « Big Fish » et « Transformers 3 – La Face cachée de la Lune », Carol Spier, la fidèle chef décoratrice
de David Cronenberg, ainsi qu'un casting hétéroclite, composé de la
figure de proue Ron Perlman (un ami proche – « Pacific Rim »
marque leur 5ème collaboration), de Charlie Hunnam, beau gosse vu
dans « Sons of Anarchy » et « Hooligans »,
Rinko Kikuchi (« Babel »), et le nouvellement bankable
Idris Elba (« Prometheus », « Thor »).
Synopsis Allociné :
Surgies des flots, des hordes de créatures monstrueuses, les
« Kaiju », ont déclenché une guerre qui a fait des
millions de victimes et épuisé les ressources naturelles pendant
des années. Pour les combattre, une arme d'un genre nouveau a été
mise au point : de gigantesques robots, les « Jaegers »,
contrôlés simultanément par deux pilotes qui communiquent par
télépathie. Mais même les Jaegers semblent impuissants face aux
redoutables Kaiju. Alors que la défaite paraît inéluctable, les
forces armées qui protègent l'humanité n'ont d'autres choix que
d'avoir recours à deux héros hors normes : un ancien pilote au
bout du rouleau et une jeune femme en cours d'entraînement qui font
équipe pour manœuvrer un Jaeger légendaire, quoique d'apparence
obsolète. Ensemble, ils incarnent désormais le dernier rempart de
l'humanité contre une apocalypse de plus en plus imminente …
Guillermo del Toro aurait-il (enfin)
réalisé son rêve de gosse ? Réponse affirmative si l'on en
croit les cinq premières minutes de bobine de « Pacific Rim ».
Des combats titanesques entre les Kaiju, créatures monstrueuses
sorties d'une brèche sous-marine du Pacifique, et les Jaegers,
robots géants créés de toutes pièces par des humains au bord de
l'apocalypse, filmés avec passion et brio par l'enfant Guillermo qui
s'en donne à cœur joie et sans prétention (chose suffisamment rare
à Hollywood pour être soulignée) pour matérialiser ses ambitions
artistiques les plus folles, sans être limité par un budget
restrictif.
Inspiré par la culture nippone et ses
animes dits « mécha », sous-genre des mangas ayant la
particularité de mettre en scène des personnages utilisant ou
incarnant des armures robotisées, généralement de formes
humanoïdes, « Neon Genesis Evangelion », « Goldorak », ou
encore « Patlabor » en ligne de mire, Guillermo del Toro
puise également son brillant savoir-faire dans les films ou séries
TV de monstres, eux aussi japonais, « Godzilla »
(évidemment) et « Ultraman » en tête. Un étonnant
mash-up Giant Monsters vs Giant Robots qui perfore la rétine
grâce à des séquences de combats hallucinants. Une ampleur sans
précédent au cinéma !
Des instructions également dignement
héritées de ses pairs occidentales, le king James Cameron
(« Avatar »), Tonton Spielberg (une scène souterraine
rend d'ailleurs hommage au fameux verre d'eau qui tremble de
« Jurassic Park »), quelques auteurs de la firme Amblin Entertainment [Joe Dante et son « Aventure intérieure »,
Jan de Bont (la chasse aux Kaiju rappelle par moments la fantastique
chevauchée des tornades de « Twister ») et consorts],
mais aussi les pyrotechniciens Michael Bay et Roland Emmerich, ou le
récent « Cloverfield ».
Si on en prend plein la vue, c'est
aussi grâce à l'incroyable travail – très pictural – du fidèle
chef opérateur Guillermo Navarro qui s'amuse comme un petit farfadet
à jouer la carte de la pénombre (les Kaiju surgissent le plus
souvent la nuit) pour créer l'anxiété (moins on discerne les
contours d'une entité menaçante, plus elle devient angoissante)
pendant que l'autre Guillermo drive à merveille les types
d'ILM (Industrial Light & Magic, société d'effets
spéciaux fondée par George Lucas) afin de nous couper le souffle.
Pari réussi d'autant plus que notre
mexicain porte une attention particulière à ouvrir sa
superproduction à l'échelle internationale, au point de nommer les
monstres en japonais, de situer une bonne partie de son action à
Hong-Kong et d'offrir le premier rôle féminin à une actrice
japonaise (Rinko Kikuchi). On pardonnera quelques maladresses de mise
en scène, par exemple les grands bruits sourds qui sont quasiment
devenus la norme de la musique de blockbuster depuis le thème
d'« Inception » par Hans Zimmer et la bande-son peu
inspirée du compositeur Ramin Djawadi à qui l'on doit les scores
des séries « Prison Break » et « Game of Thrones », transcendant les images qu'à de rares instants. Le
relief 3D – une conversion post-prod' réalisée malgré l'avis
contraire de Guillermo del Toro – propose une expérience
d'immersion visuelle intéressante, à distance néanmoins des
prouesses technologiques d'« Avatar » et de « L'Odyssée de Pi ».
Mais rassurez-vous, il n'est pas
nécessaire d'être un fervent connaisseur de kaiju ega (film de
monstres japonais) ou du genre mecha pour apprécier le spectacle,
car Guillermo del Toro n'omet pas de fournir son propre bagage dans
« Pacific Rim ». Une richesse absolue dans les détails.
Tous les motifs et leitmotivs récurrents du réalisateur sont en
effet bel et bien présents : insectes, trucs visqueux dans des
bocaux, lumière verdâtre, labyrinthes, orpheline, tentacules façon Lovecraft, rouages et autres
mécanismes d'horlogerie géants à l'intérieur des robots,
dissection, poésie dark – les reviviscences d'un trauma
d'enfance, avec une fillette apeurée face à un monstre géant –
humour geek avec au
passage l'un des plans les plus fun de l'histoire du cinéma
(incluant un pendule de Newton), au plaisir du fanboy qui
sommeille en chacun de nous.
C'est du côté du scénario signé
Travis Beacham, que le bât blesse (un peu). S'il fait amplement le
job (développement intéressant à la James Cameron, structure
narrative solide), Travis Beacham délaisse un tantinet les émotions
et livre une histoire rarement surprenante. Paradoxe absolu :
plus de larmes ou de joies à l'intérieur des Jaegers Gipsy Danger et
Striker Eureka qu'à l'extérieur, chez les humains.
Les humains, parlons-en. Si nous nous
délectons de voir Ron Perlman cabotinait à mort en trafiquant
d'organes fustigeant la guerre, et que nous sommes ravis de l'emploi
de la comédienne Rinko Kikuchi, très touchante ici, le reste du
casting, légèrement bancal, déçoit.
Tout d'abord les deux Charlie :
Charlie Hunnam, faillible par son manque de charisme évident, et
Charlie Day en nerd imbitable à la voix insupportable.
Ensuite, Max Martini et Robert Kazinsky, dont la relation père –
fils semble lacunaire, sont fades et effacés. Et enfin, Idris Elba,
l'acteur à la stature imposante, est loin d'être parfait, mais le
pauvre bénéficie hélas des scènes les moins bandantes de
« Pacific Rim ».
Car c'est en effet lorsque Guillermo del Toro flirte avec Michael Bay et Roland Emmerich (le discours
d'Elba pour motiver les troupes, séquence over patriotique à
la « Independance Day », la grande gueule qui caresse son
toutou, le happy-end très américain) qu'on se demande si le
studio n'a pas eu malgré tout un certain regard sur le final cut.
Dommage !
Bilan : Du mecha, de la
grosse bestiole, des bastons badass au design léché, le geek
del Toro accouche d'un rêve de gosse sur grand écran et se lâche
complet dans un blockbuster hyper généreux en action, mais
parfois avare en émotions. Ce qui apparaît néanmoins certain :
il y aura un avant / après « Pacific Rim ». Pacific rime
avec épique, esthétique, boulimique, pachydermique et geek !
La Bande Annonce de Pacific Rim :
NOTE: 8,5/10
EN BONUS, mon passage dans la web émission APRES LA SEANCE:
Petit passage derrière les caméras de Warner bros également:
Je suis beaucoup moins excité que la plupart des gens, le concept mixant trop de choses déjà vues (King Kong, Godzilla, Transformers) et del Toro ne me parlant pas à chaque fois (Hellboy).
RépondreSupprimerMais j'irai le voir dès que possible pour voir ce qu'il en est.
Un monsters / robots mash-up en forme d'hommage aux Mangas, c'est un concept innovant je trouve. Peut être que séparément ça existe, mais là, c'est du jamais vu.
SupprimerExcellent dans la forme dommage que tout ne suive pas (clichés pères-enfants, 2 équipages trop vite expédiés...)... 3/4
RépondreSupprimer"2 équipages trop vide expédiés" => c'est à dire ?
Supprimerle trio asiat et les russes, à peine le temps de le voir qu'ils passent à la casserole. Ils avaient un bon potentiel et auraient permis une interaction plus dense entre les personnages. Vu le charisme d'huitre des deux autres équipages je trouve décevant de s'être autant focaliser sur eux alors que les asiat et russes auraient pu enrichir un peu mes liens "humains"...
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