dimanche 28 avril 2013

Star Trek Into Darkness

Après avoir pondu des séries au suspense grandiose à la pelle (« Alias », « Lost », « Fringe », « Person of Interest »), donné un coup de fouet à la franchise « Mission : Impossible », rendu hommage judicieusement à son senseï Spielberg (« Super 8 »), produit l’un des meilleurs Found Footage à ce jour (« Cloverfield »), et avant de réaliser l’un des films les plus attendus de l’histoire du cinéma (« Star Wars : Episode VII »), J.J. Abrams, le binoclard le plus cool de la planète, se charge aujourd’hui de donner un petit frère à son bébé « Star Trek », saga dont il avait lui-même assuré – avec succès – le reboot en 2009.
Pour assurer le spectacle, le phénomène J.J. Abrams s’est adjoint les services de ses plus fidèles collaborateurs : le tandem Roberto Orci / Alex Kurtzman au scénario, accompagné de la plume du mal aimé Damon Lindelof (remember la haine générale, non justifiée, face au final de « Lost » et au script interrogateur « Prometheus »), ce dernier également crédité comme producteur du long métrage, Bryan Burk de l’entreprise « Bad Robot » se charge, quant à lui, de la production du projet lorsque le célèbre compositeur Michael Giacchino assure la bande-son de ce « Star Trek Into Darkness ».
Côté casting, on ne change pas une équipe qui gagne : Chris Pine & Zachary Quinto reprennent leur rôle respectif du Capitaine Kirk et du vulcain Mr Spock. Ils sont entourés de la belle Nyota Uhura [Zoë Saldana], du ténébreux docteur Leonard « Bones » McCoy alias Karl Urban, du side-kick Simon Pegg dans la peau du technicien Scotty, du co-pilote John Cho et du mécano à l’accent russe prononcé Anton Yelchin. Les petits nouveaux se nomment Peter Weller, Alice Eve, et surtout Benedict Cumberbatch, qui incarne le bad guy de cette suite.
Synopsis Allociné : Alors qu’il rentre à sa base, l’équipage de l’Enterprise doit faire face à des forces terroristes implacables au sein même de son organisation. L’ennemi a fait exploser la flotte et tout ce qu’elle représentait, plongeant notre monde dans le chaos …
Dans un monde en guerre, le Capitaine Kirk, animé par la vengeance, se lance dans une véritable chasse à l’homme, pour neutraliser celui qui représente à lui seul une arme de destruction massive. Nos héros entrent dans un jeu d’échecs mortel. L’amour sera menacé, des amitiés seront brisées et des sacrifices devront être faits dans la seule famille qu’il reste à Kirk : son équipe.
Produit par Paramount Pictures, « Star Trek version 2009 » avait cet atout de rassasier les aficionados de la saga « Star Trek » avec son univers alternatif et d’envoûter les profanes de l’autre côté, grâce notamment à son action pétaradante digne d’un bon blockbuster et son humour bien placé.
 
Quatre ans plus tard, « Star Trek Into Darkness » poursuit l’aventure spatiale de façon beaucoup plus spectaculaire et ambitieuse, mais subit conjointement un défaut assez préjudiciable : sa relative inaccessibilité aux non-initiés. En effet, il semblerait qu’avec cet opus, le trekkie qui sommeillait en J.J. Abrams ait nettement pris l’ascendant sur l’entertainman pour produire un film d’une livraison paradoxalement moins commerciale que l’épisode précédent, davantage destiné aux fans. Ainsi, la fameuse « révélation » de milieu de course concernant l’identité du méchant et destinée à faire bondir n’importe quel spectateur de son siège tombe dans la choucroute et fera uniquement palpiter le cœur des fidèles.     
   
Passé ce malus, « Star Trek Into Darkness » se digère comme un divertissement de bonne voire très bonne qualité, à la réalisation plus maîtrisée que celle de son prédécesseur.
Après un début en fanfare avec une incroyable séquence d’ouverture – hommage à celles des James Bond, ainsi qu’au commencement d’« Indiana Jones : Les Aventuriers de l’Arche perdue » – J.J. Abrams propulse, en effet, son film à un rythme démesuré, enchaînant les scènes d’action avec une fluidité et une continuité sans précédent, quasiment sans temps mort. Tempo virevoltant assuré, même s’il est vrai que le long métrage semble fragilisé par une dimension peut-être moins épique qu’espérée.
 
C’est ainsi un festival de prodigieuses techniques de mise en scène qui s’offrent à nous : personnages introduits en plans – séquences, utilisation bien dosée du steadicam, course-poursuite Spock / John Harrison à l’aide d’un travelling judicieux, plans panoramiques ou à la grue, personnages cadrés de près pour capter au mieux leur énergie et leurs émotions, aucune saccade dans les mouvements de caméra – reproche souvent exercé aux blockbusters d’aujourd’hui.  
Aimé des spectateurs pour sa personnalité geek cinéphile(phage), le fils spirituel de Spielberg n’en délaisse pas pour autant ses personnages. Conflits intérieurs et contradictions intra psychiques pour chacun, dynamique manichéenne dans les rapports des uns aux autres, amitiés, trahisons, rebondissements en veux-tu, en voilà … J.J. Abrams, épaulé du trio infernal Roberto Orci / Alex Kurtzman / Damon Lindelof, demeure fidèle à son talent de magicien manipulateur – rappelez-vous les cliffhangers hallucinants des séries « Alias » & « Lost », ou des derniers « Mission : Impossible » format cinéma.
Probablement influencée par les techniques narratives des Comic Books, l’équipe de « Bad Robot » en fournit tout un rayon pour brouiller les pistes, reprenant avec joie quelques gimmicks des derniers cartons au box office, notamment avec le « traitement » du bad guy en étonnante résonance avec celui du Joker de « The Dark Knight » ou de Victor Silva de « Skyfall », voire même de Loki des « Avengers ». On pardonnera quelques facilités scénaristiques sans scrupule (la téléportation, procédé pressé jusqu’à la dernière goutte). 
 
Mainstream classique, fabriqué avec du cœur, « Star Trek Into Darkness » est également, comme rappeler plus haut, une aventure faite de personnages. L’illusionniste Abrams a recruté pour ce faire le très bon Benedict Cumberbatch, révélé dans la série « Sherlock ». Casté dans le film via une audition réalisée à l’aide de son iPhone, l’homme incarne ici avec brio et charisme John Harrison, un mystérieux terrien guidé par un leitmotiv simple : la vengeance. Stature imposante, stéréotypes inhabituels des méchants de cinéma, John Harrison – et son interprète – inspire tantôt confiance, autorité, brutalité, peur. Le reste du générique resplendit un peu moins, hormis peut-être le toujours très hilarant Simon Pegg et Zachary Quinto, plus émouvant qu’à l’accoutumée. Dommage pour les personnages féminins, un peu oubliés, même si les comédiennes Zoë Saldana & Alice Eve incarnent avec crédibilité la touche charme de l’équipage. Côté crew, saluons surtout la BO, impeccable, signée Michael Giacchino.
Bilan : Evinçant quiconque n’est pas familier de l’univers Star Trek, J.J. Abrams assure néanmoins l’essentiel : mettre en boîte un blockbuster intelligent, efficace et astucieux. A cet effet, il minimise les effets digitaux pour tirer le maximum de ses acteurs sur le plan émotionnel et se montre ainsi l’homme de la situation afin d'installer la relève Spielbergienne. Conteur d’histoires et entertainer foisonnant, J.J. Abrams est réprimé par ses détracteurs pour sa soi-disant absence de légitimité, il doit désormais se concentrer sur le plus gros défi de sa carrière pour leur prouver le contraire : « STAR WARS : EPISODE VII ».    

La Bande Annonce de Star Trek Into Darkness:


NOTE: 7,5/10



samedi 27 avril 2013

Les Profs


Le succès des « Robin des Bois » sur scène aura paradoxalement signé leur arrêt de mort. Transition complètement ratée au cinéma après le plantage phénoménal de « RRRrrr !!! », pourtant réalisé par Alain Chabat, immonde sketch étiré s’appuyant uniquement sur quelques trouvailles comiques redondantes du club ex-Canal+, la plupart du temps pas du tout fun.
Les années qui suivirent occasionnèrent plusieurs bides gargantuesques pour chacun, soit en qualité de comédiens (la ribambelle de flop de Jean-Paul Rouve), soit en tant que metteur en scène (les films inégaux de Maurice Barthélémy, hélas ponctués par le navet « Pas très normales activités », le mitigé « Sans arme, ni haine, ni violence » du compère Rouve).
 
Les seuls membres du gang ayant en fin de compte réussi à tirer leur épingle du jeu sont Marina Foïs, nommée aux César pour son excellente partition dans « Polisse », et Pierre-François Martin-Laval, dit ‘Pef’, pour ses caméos de luxe (« La Vérité si je mens ! 2 », « Astérix et Obélix : mission Cléopâtre », « La Tour Montparnasse infernale », « Un ticket pour l’espace ») ou ses étonnantes réalisations, du burlesque & poétique « Essaye-moi » au déjanté « King Guillaume ».
 
Pef, connu pour avoir étudié la comédie au Cours Florent aux côtés d’Isabelle Carré et intégré la troupe comique des « Robin des Bois » au début des années 90, imposa en effet au cinéma un personnage à la fois enfantin, benêt, voire lunaire, mais émouvant.
Après avoir joué le père du cancre Ducobu dans la version ciné de la BD du même nom, le voilà à la tête d’une autre adaptation de bande dessinée française reconnue, « Les Profs », signée Pica et Erroc. Le trublion enfile pour l’occasion la triple casquette de réalisateur, scénariste et acteur.
Synopsis Allociné : Avec ses 12% de réussite au bac, le lycée Jules Ferry est le pire lycée de France. Ayant déjà épuisé toutes les méthodes conventionnelles, l’Inspecteur d’Académie, au désespoir, s’en remet aux conseils de son Adjoint. Ce dernier lui propose de recruter une équipe de professeurs selon une nouvelle formule : aux pires élèves, les pires profs pour soigner le mal par le mal… C’est sa dernière chance de sauver l’établissement, à condition de dépasser le seuil des 50% de réussite au bac. L’Inspecteur accepte, pour le meilleur…et pour le pire.

Avec la série « Un Plan Parfait », « Max », « Vive la France », « Boule & Bill », « Turf », nous pensions avoir touché le fond et atteint l’apogée de la connerie du cinéma français. C’était malheureusement sans compter sur « Les Profs ».
Débile et affligeant sur quasiment tous les points, « Les Profs » est une comédie consternante dans son humour bas de gamme – aucune séquence ne fait mouche, aucune – foudroyée par son casting des plus épouvantables, où chacun y donne de sa frimousse pour vampiriser l’écran, sans résultat.
Comment résumer « Les Profs » ? Un enseignant de philo au running-gag lourdingue, un Christian Clavier des petits jours las et fatigué de tourner, à l'image de son personnage, une Isabelle Nanty à peine poilante pour toucher ensuite l'exécrable, un Pef complètement à côté de ses pompes, un Kev Adams qui aligne deux mimiques à tout casser façon Seann William Scott, une Stéfi Celma censée jouer les beautés fatales, paye ta crédibilité!, et enfin une Alice David, certes charmante, hélas reléguée derrière le cast' principal, l'ensemble de ces énergumènes réunis par un fil conducteur écrit sur une nappe : « voler les sujets du bac afin d'en faire profiter les élèves pour sauver le lycée ».
On aurait au moins pu être nostalgique de la grande époque « Génial, mes parents divorcent ! », « Un Indien dans la ville » et autres comédies populaires françaises impliquant une confrontation adultes / enfants, voire de certains films semi-récents prenant lieu dans le milieu scolaire « Les Choristes » ou « Le Petit Nicolas » en tête, mais c'est raté. Cet objectif, pourtant raisonnable, paraît tellement illusoire dans « Les Profs ».
La mise en scène ne permet aucunement d'éviter le fiasco : cadrages ratés, montage haché avec des séquences enchaînées maladroitement à la manière d'un sketch étiré, photographie sans saveur … rien à sauver !
Bilan : Une débâcle pour le troisième long métrage de Pef. Les « Robin des Bois » sont bel et bien morts et enterrés !
 
La Bande Annonce du film Les Profs:
 
 
NOTE: 0/10
 

jeudi 25 avril 2013

Les Âmes Vagabondes

L'an 2008 et le succès colossal du premier « Twilight » auront considérablement transformé le paysage cinématographique contemporain. Une ère où la simple évocation du nom de Stephenie Meyer suffit à lui seul pour vendre un film. C'est dans ce contexte que sort sur les écrans le crypto-fantastique « Les Âmes Vagabondes », adaptation ciné du roman « The Host » de Meyer.
Le projet, à priori peu alléchant sur le papier, l'est rapidement devenu à l'annonce du réalisateur élu pour filmer les roucoulades mormones écrites par Meyer, à savoir Andrew Niccol (« Bienvenue à Gattaca », « Lord of War », et bim 2 chefs d'œuvre dans le CV).
 
Le choix de la comédienne par le studio pour incarner l'héroïne Melanie Stryder surajouté à notre attente : Saoirse Ronan, talentueuse actrice du mésestimé « Lovely Bones » et du boudé – mais pourtant incroyable – « Hanna ».
Synopsis Allociné : La Terre est envahie. L'humanité est en danger. Nos corps restent les mêmes, mais nos esprits sont contrôlés. Melanie Stryder vient d'être capturée. Elle refuse cependant de laisser place à l'être qui tente de la posséder. Quelque part, caché dans le désert, se trouve un homme qu'elle ne peut pas oublier. L'amour pourra-t-il la sauver ?
Andrew Niccol a-t-il un dossier de surendettement sur le dos ? Quel diable l'a envahi pour qu'il réalise un film aussi mollasson et niais ?
D'un postulat accrocheur – l'intrusion d'un hôte dans le corps humain – bien qu'exploité sous toutes ses formes au cinéma (la SF : « L'invasion des profanateurs de sépultures », l'expérimental « Dans la peau de John Malkovich », le teenage movie « The Faculty » …), Andrew Niccol ne tire rien d'intéressant et de cinématographiquement original.
Pire, l'homme à la barre de la prouesse dystopique « Bienvenue à Gattaca » fait passer sa première œuvre pour un malheureux accident de parcours tant il rend ici une copie désinvolte aux fans de science fiction.
Car oui, après les vampires scintillants au soleil dans la précédente saga littéraire de Stephenie Meyer, place désormais aux véhicules et objets étincelants. Voitures, motos, camions, vêtements, médicaments, tout est shiny dans « Les Âmes Vagabondes ». Sauf que ces effets design censés faire futuristes sont incroyablement laids et pourvoyeurs de nausées au bout d'une demi-heure. C'est rapide. Trop rapide.
Compartimenté derrière des trouvailles visuelles pour le moins étranges – un champ de maïs au beau milieu d'un volcan – « Les Âmes Vagabondes » pâtit parallèlement d'un rythme lent désastreux et d'un décor désertique (lieu de tournage : Nouveau-Mexique, CQFD) propice à une photo assez dégueu.
Andrew Niccol ne récupère pas dans la romance esquissée en toile de fond. Peu aidé par un scénario calibré public Justin Bieber, le réalisateur de l'oubliable « Time Out » livre, en effet, un long métrage fade et sans réels enjeux dramatiques ou existentialistes, condamnés par la cruelle mièvrerie romantico-mormone imposée. L'unique point intéressant : l'habituel triangle amoureux est remplacé par une schizophrénie amoureuse assez strange, puisque Melanie Stryder et Vagabonde (« Wanda » en VO), prisonnières de la même enveloppe corporelle, sont in love de deux beaux gosses bien distincts, respectivement Jared et Ian. Imaginez l'ambiance ! Ce concept scénaristique plutôt intelligent est hélas sacrifié par l'omnipotence de la voix-off de Melanie, agaçante au bout d'un moment. Dommage !
Melanie est incarnée par la prometteuse Saoirse Ronan, révélée par Peter Jackson dans son féerique « Lovely Bones », et nommée aux Oscars pour son rôle dans « Reviens-moi ». La comédienne joue ici tout en finesse un personnage délicat à interpréter. Chapeau !
Le casting secondaire, nettement moins mémorable, est composé du jeune Max Irons (fils de Jeremy), de Jake Abel (« Percy Jackson » et sa suite) et de William Hurt, un peu plus en jambes que les deux premiers. Diane Kruger se charge, quant à elle, d'incarner la « méchante » de l'histoire, tristement ridicule toute de blanc vêtue. Décidément, mauvaise série pour la girlfriend de Joshua Jackson après le bide « Un Plan Parfait ».
Bilan : Jeune âge du public, cible oblige, « Les Âmes Vagabondes » vilipende dans des contrées de love-story abjecte au péril d'un univers SF qui aurait pu être dantesque. Plantage sur toute la ligne, ou presque – Saoirse Ronan, prodigieuse – pour Andrew Niccol, qui s'enfonce de plus en plus après l'échec cuisant de « Time Out ».
 
La Bande Annonce du film Les Âmes Vagabondes:
 
 
NOTE: 3,5/10


mardi 23 avril 2013

[Rétrospective #3] Blue Velvet | David Lynch


Blue Velvet (1986) | David Lynch



David Lynch est un de ces réalisateurs anti-conventionnel s’écartant des codes de narration traditionnels. Avec Blue Velvet, son quatrième long-métrage, le cinéaste américain se rapproche du style novateur et surréaliste avec lequel il s’était fait connaître, reconnaissable notamment dans Eraserhead (1976), son premier film.

 

En arrosant sa pelouse, Mr. Beaumont est victime d'une crise cardiaque. Sur le chemin de l'hôpital, son fils, Jeffrey, découvre une oreille coupée. Flanqué de sa petite amie, il mène l'enquête pour savoir à qui appartient cette oreille et ce qui se cache derrière cette découverte macabre. Cette investigation va le plonger dans un monde étrange et sordide où évoluent, entre autres, Dorothy Vallens, une chanteuse de cabaret psychologiquement fragile, et Frank Booth, un dangereux psychopathe pervers.




Dans ce thriller déroutant et cauchemardesque, David Lynch propose un voyage initiatique où le désir de voir conjointement sous les apparences et stéréotypes est plus fort que d’avoir une petite vie bien rangée et socialement recevable.
 

Par son style unique, le cinéaste américain gratte le vernis d’une Amérique puritaine à l’apparence tranquille et lisse en y injectant sexe, violence, peur et honte. Grâce à un scénario simple mais parfaitement ficelé, plus personnel que ses précédents films, Lynch fait imploser l’enclave paradisiaque des quartiers résidentiels hauts en couleur plaçant le spectateur dans un voyeurisme sans limite et un univers décalé. Il s’agit d’une séparation nette entre le « monde » tel qu’il pourrait paraître et « l’immonde » où fourmillent (à l’image des insectes filmés au début du film) les vices et la perversité, pourtant réels, du monde humain.
 

Il est assez fascinant de voir comment le cinéaste transforme une découverte un peu morbide et une enquête d’apparence banale en une expérience éducatrice et dérangeante de la vie nécessitant un passage par des obsessions majeures, perturbantes et perverses, tant pour les personnages que pour le public.


David Lynch impose son genre par une mise en scène qui travaille les jeux de couleurs passant d’une vie à la surface duveteuse – colorée, unie, vive – à une vie aux pires travers – sombre, taciturne et particulièrement malsaine. Par son regard sombre et halluciné sur la réalité humaine, le cinéaste dérange son public en le transportant dans un monde onirique et aux plaisirs troubles et pernicieux. Les allers-retours de la caméra intègrent le spectateur dans le jeu troublant du chat et de la souris auquel s’adonnent les personnages.  Blue Velvet regorge de cadres et scènes enivrantes qui permettent de dépasser sa noirceur vicieuse pour envoûter le spectateur dans un spectacle délicieusement impur et profond.

 
Le tout est royalement servi par Kyle MacLachlan, le personnage à l’âme égarée et curieuse, mystérieux et quasi fantomatique mais totalement adapté au style « lynchéen ». Sa performance s’avère brillante, autant que celle de Dennis Hopper qui incarne là le rôle le plus angoissant et troublant de sa carrière. Le personnage féminin de Dorothy Vallens, joué par Isabella Rossellini, s’impose en contraste avec celui de Sandy Williams (Laura Dern), toutes deux servant des scènes interprétées avec brio.


Comme dans tout Lynch qui se respecte, la conception sonore est méticuleuse. La bande-originale d’Angelo Badalamenti aux tendances rock a une place privilégiée dans Blue Velvet. La chanson « Blue Velvet » de Bobby Vinton introduit le film et le clôture, cette fois-ci interprétée par l’actrice Isabella Rossellini. La musique n’est en rien laissée au hasard, elle contribue grandement à l’ambiance du film alternant les morceaux rock aux sons oppressants lors des instants de suspense.

 
Le génie de Lynch réside dans un exercice de contraste s’équilibrant parfaitement : le bon, le méchant ; la vie tranquille et la dérangeante ; la blonde calme et posée, la brune sordide et suicidaire ; le rock et les morceaux troublants.


Avec Blue Velvet, David Lynch signe une « masterpiece » du cinéma du XXème siècle. Ce long-métrage est aujourd’hui considéré par Entertainment Weekly comme l’un des 100 plus grands films jamais réalisés et sélectionné par the American Film Institute comme l’un des 10 meilleurs films à énigme.

Article rédigé par Cléa Carré

lundi 22 avril 2013

Les Gamins

Un bouche-à-oreille plus qu'encourageant a toujours de quoi susciter une attente démesurée chez les spectateurs, en particulier lorsqu'il s'agit de comédies françaises – remember les succès « surprises » de « Bienvenue chez les Ch'tits » et « Intouchables », tous deux lancés en grande pompe par des avant-premières bien fructueuses.
C'est donc avec un appétit non dissimulé que nous découvrons aujourd'hui « Les Gamins », premier film du novice Anthony Marciano très bien accueilli dans les salles où il fut projeté avant sa sortie nationale sur le territoire.
Synopsis Allociné : Tout juste fiancé, Thomas rencontre son futur beau-père Gilbert, marié depuis 30 ans à Suzanne. Gilbert, désabusé, est convaincu d'être passé à côté de sa vie à cause de son couple. Il dissuade Thomas d'épouser sa fille Lola et le pousse à tout plaquer à ses côtés. Ils se lancent alors dans une nouvelle vie de gamins pleine de péripéties, persuadés que la liberté est ailleurs. Mais à quel prix retrouve-t-on ses rêves d'ado ?
La Comédie Française, un genre hélas entaché ces derniers mois par une dramatique série de bouses infâmes, tout juste rattrapée par le freelance nommé « 20 ans d'écart ». Devoir de réhabilitation pour Anthony Marciano donc, épaulé de la plume du jeune premier Max Boublil, dont les débuts d'acteur reconnu dans le choral « Des gens qui s'embrassent » promettaient une carrière plausible.
Max Boublil scénariste, Max Boublil acteur. M'ouais ! « Les Gamins » se propulse comme un « American Beauty » à la française – le père en pleine crise de la quarantaine, le beau-fils fumeur de pétards qui sympathise avec l'autorité parentale masculine, la cellule familiale en plein marasme – pour ensuite sombrer dans la vulgarité, la prétention, la facilité, la misogynie, l'immaturité et l'hypocrisie, aussi indigeste que du Marc Lévy cinématographique à deux balles, tout juste bon à faire marrer quelques djeun's décérébrés.
Vulgaire lorsque l'humour promis se vautre dans des vannes pipi – caca – sperme pas drôles, honteusement piquées chez les confrères américains Farrelly Brothers / Judd Apatow, dont la force réside avant tout dans le goût de la démesure pour mieux appuyer le propos, formule nullement appliquée ici, ou à peine lors de quelques dialogues croustillants entre Chabat / Boublil.
Bling-bling d'autre part, avec des gags écrits pernicieusement dans l'intention (malsaine) de faire rire le spectateur tout en frottant son argent, des € plein les yeux. Le rêve d'une vie abracadabrante exaucé par une carte gold scintillante ? Pour situer cet état d'esprit, il suffit d'illustrer par deux séquences bien probantes : tout d'abord, celle du clip – single de la gamine, shooté au Maroc, certes un peu fou fou, mais qui tourne en dérision le starsystem et la télé-réalité de la manière la plus pédante, hypocrite et puérile qui soit. Une escapade paradisiaque pour l'équipe de tournage, voilà tout. L'insupportable itinéraire du héros qui veut à tout prix percer dans le milieu du showbiz et qui « performe » sa success story grâce à l'appui d'une vieille légende du rock mondial (que vient-elle branler là d'ailleurs ?) donne incroyablement la gerbe. Second exemple : la scène avec la fausse racaille du 16è qui vend du shit.
L'immaturité, revendiquée dès le titre, transparaît, quant à elle, dans le fond de l'histoire, très « gamine » quand on y réfléchit, de deux ados (comme le réalisateur sans doute?) en quête d'une jeunesse éternelle. Waouh, quel script ! La promesse d'une 'rom-com' originale est de surcroît éclipsée par le traitement social convenu du long métrage, sans saveur, sans rebondissements, aux clichés misogynes (les personnages féminins hyper caricaturaux et pas rock'n'roll pour un sou, qui veulent à tout prix s'engager dans une vie conjugale plan plan, ben voyons!). On préfère nettement la sensibilité d'un Apatow et de son mode d'emploi de la quarantaine.
Apothéose de la connerie lorsque les rouages du film de potes timbré deviennent ceux d'une romance ultra pépère et mièvre qui vogue en eau douce – le rachat de bonne conduite auprès de la dulcinée grâce à quelques fleurs, une chanson et une déclaration d'amour forcément publique, forcément barjo.
Quand au fameux « Grand Retour » du Nul Alain Chabat annoncé dans tous les médias, quel foutage de gueule. L'acteur – réalisateur français, au départ fun dans un espèce de passage de flambeau plutôt sincère rappelant la grande époque « Didier » / « La Cité de la peur », se décrédibilise totalement dans une seconde partie carrément moins sucrée, où son personnage, devenu beauf entre temps (Fabien Onteniente, sors de ce corps !), porte un Marcel ridicule ou un short court censé faire homo. Puisqu'on en est à parler casting, gageons le mauvais jeu d'acteur de Max Boublil, benêt au sourire XXL, qui fait pourtant quelques efforts appréciables pour assurer le minimum syndical. Seule bonne surprise du générique : Sandrine Kiberlain, décalée et drôle, comme toujours. Encore que condamnée à quelques farces répétitives, dommage !
Pour finir, la BO, chantée par la chorale St John's International School reprenant plusieurs titres célèbres est entièrement à l'image des « Gamins » : agaçante, passé les quinze premières minutes de bobine.
Bilan : « Les Gamins », comédie transgénérationnelle parée à BOTOXer nos zygomatiques pour les vingts prochaines années ? Pas vraiment … plutôt un malheureux un coup d'épée dans l'eau. Épaisseur inversement proportionnelle au degré potache ?

La Bande Annonce du film Les Gamins:


NOTE: 3,5/10