mardi 23 avril 2013

[Rétrospective #3] Blue Velvet | David Lynch


Blue Velvet (1986) | David Lynch



David Lynch est un de ces réalisateurs anti-conventionnel s’écartant des codes de narration traditionnels. Avec Blue Velvet, son quatrième long-métrage, le cinéaste américain se rapproche du style novateur et surréaliste avec lequel il s’était fait connaître, reconnaissable notamment dans Eraserhead (1976), son premier film.

 

En arrosant sa pelouse, Mr. Beaumont est victime d'une crise cardiaque. Sur le chemin de l'hôpital, son fils, Jeffrey, découvre une oreille coupée. Flanqué de sa petite amie, il mène l'enquête pour savoir à qui appartient cette oreille et ce qui se cache derrière cette découverte macabre. Cette investigation va le plonger dans un monde étrange et sordide où évoluent, entre autres, Dorothy Vallens, une chanteuse de cabaret psychologiquement fragile, et Frank Booth, un dangereux psychopathe pervers.




Dans ce thriller déroutant et cauchemardesque, David Lynch propose un voyage initiatique où le désir de voir conjointement sous les apparences et stéréotypes est plus fort que d’avoir une petite vie bien rangée et socialement recevable.
 

Par son style unique, le cinéaste américain gratte le vernis d’une Amérique puritaine à l’apparence tranquille et lisse en y injectant sexe, violence, peur et honte. Grâce à un scénario simple mais parfaitement ficelé, plus personnel que ses précédents films, Lynch fait imploser l’enclave paradisiaque des quartiers résidentiels hauts en couleur plaçant le spectateur dans un voyeurisme sans limite et un univers décalé. Il s’agit d’une séparation nette entre le « monde » tel qu’il pourrait paraître et « l’immonde » où fourmillent (à l’image des insectes filmés au début du film) les vices et la perversité, pourtant réels, du monde humain.
 

Il est assez fascinant de voir comment le cinéaste transforme une découverte un peu morbide et une enquête d’apparence banale en une expérience éducatrice et dérangeante de la vie nécessitant un passage par des obsessions majeures, perturbantes et perverses, tant pour les personnages que pour le public.


David Lynch impose son genre par une mise en scène qui travaille les jeux de couleurs passant d’une vie à la surface duveteuse – colorée, unie, vive – à une vie aux pires travers – sombre, taciturne et particulièrement malsaine. Par son regard sombre et halluciné sur la réalité humaine, le cinéaste dérange son public en le transportant dans un monde onirique et aux plaisirs troubles et pernicieux. Les allers-retours de la caméra intègrent le spectateur dans le jeu troublant du chat et de la souris auquel s’adonnent les personnages.  Blue Velvet regorge de cadres et scènes enivrantes qui permettent de dépasser sa noirceur vicieuse pour envoûter le spectateur dans un spectacle délicieusement impur et profond.

 
Le tout est royalement servi par Kyle MacLachlan, le personnage à l’âme égarée et curieuse, mystérieux et quasi fantomatique mais totalement adapté au style « lynchéen ». Sa performance s’avère brillante, autant que celle de Dennis Hopper qui incarne là le rôle le plus angoissant et troublant de sa carrière. Le personnage féminin de Dorothy Vallens, joué par Isabella Rossellini, s’impose en contraste avec celui de Sandy Williams (Laura Dern), toutes deux servant des scènes interprétées avec brio.


Comme dans tout Lynch qui se respecte, la conception sonore est méticuleuse. La bande-originale d’Angelo Badalamenti aux tendances rock a une place privilégiée dans Blue Velvet. La chanson « Blue Velvet » de Bobby Vinton introduit le film et le clôture, cette fois-ci interprétée par l’actrice Isabella Rossellini. La musique n’est en rien laissée au hasard, elle contribue grandement à l’ambiance du film alternant les morceaux rock aux sons oppressants lors des instants de suspense.

 
Le génie de Lynch réside dans un exercice de contraste s’équilibrant parfaitement : le bon, le méchant ; la vie tranquille et la dérangeante ; la blonde calme et posée, la brune sordide et suicidaire ; le rock et les morceaux troublants.


Avec Blue Velvet, David Lynch signe une « masterpiece » du cinéma du XXème siècle. Ce long-métrage est aujourd’hui considéré par Entertainment Weekly comme l’un des 100 plus grands films jamais réalisés et sélectionné par the American Film Institute comme l’un des 10 meilleurs films à énigme.

Article rédigé par Cléa Carré

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