mercredi 29 janvier 2014

Mea Culpa

Après avoir fait ses armes au format court-métrage, Fred Cavayé a amorcé son passage au long dès 2008 en dirigeant le tandem Vincent Lindon / Diane Kruger dans l'excellent thriller « Pour Elle ». On le retrouve deux ans plus tard aux commandes du remarqué « A bout portant », où la réalisation nerveuse place un Gilles Lellouche torturé au centre d’un chassé-croisé criminel dans la capitale. Son nouveau film, « Mea Culpa », en salles le 5 février prochain, affiche une distribution-somme de cette filmographie naissante : Vincent Lindon & Gilles Lellouche au sommet dans une nouvelle intrigue policière à vif… Verdict ?
Synopsis : Policiers à Toulon, Simon et Franck fêtent la fin d’une mission. Alcoolisé, Simon prend le volant de la voiture qui les ramènera chez eux… En route, ils percutent un autre véhicule. Les deux flics sont blessés mais le bilan est dramatique : deux victimes dont un enfant. Simon va tout perdre, famille comme job. Six ans plus tard, Simon est devenu un convoyeur de fonds divorcé qui peine à tenir son rôle de père auprès de son fils de 9 ans, Théo. Franck, toujours flic, veille à distance sur lui. Lors d'une corrida, Théo va être malgré lui le témoin d'un règlement de compte mafieux. Une fois de plus, les destins des deux flics de Toulon vont basculer.
Logiquement, c’est à la mise en scène qu’il faut rendre un hommage enthousiaste ; les influences de Fred Cavayé sont en effet réappropriées avec brio. L’action est riche, jamais illisible et toujours captivante. Le réalisme terre-à-terre et le premier degré qui noircissent le ton du film auraient pu lui coûter sa crédibilité. Ils se marient pourtant avec aisance à des situations audacieuses, des grandes poursuites américanisées aux duels esthétisés en silhouettes ou en spectres. Impossible de bouder son plaisir face à un français qui cite visuellement Nicolas Winding Refn au détour d’un néon rouge feu.
Le bon fonctionnement de ce thriller tient aussi à ses deux interprètes principaux : prestations inspirées de Vincent Lindon & Gilles Lellouche. Saluons également l’habileté avec laquelle le scénario les confronte puis les rassemble.
Mais c’est un casting très inégal qui profite particulièrement au duo de tête ; en arrière-plan, très rares sont les seconds rôles qui tirent leur épingle du jeu, la faute à un script favorisant le raccourci stéréotypé et passe-partout plutôt qu’une écriture concrète au-delà des enjeux centraux. Les ennemis sont de grands méchants patibulaires, caricatures minutieuses des trafiquants étrangers comme on en croise très fréquemment dans les productions EuropaCorp (exemple récent des deux « Taken »). Un manichéisme assourdissant qui masque presque les réussites artistiques ou narratives de « Mea Culpa ».
Le final est à ce titre une bouffée d’air frais in extremis. Il intervient en effet au moment opportun pour épaissir un propos général qui, sur la durée, se révèle malheureusement un poil inconsistant, voire fragile. Et alors même que toutes les cartes d’un thriller très classique avaient pu sembler abattues, ce dernier acte prend les devants d’une conclusion qui en définitive évite d’être prévisible et bancale. On est soulagés de voir l’arc narratif majeur être soutenu par une réflexion intelligente qui développe les liens entre nos deux héros. A défaut de compléter la maigreur des autres backstories, le final compense au moins les faiblesses d’une histoire somme toute très bien rythmée.
Dans d’autres registres, dressons une critique positive de la bande-originale envoûtante de Cliff Martinez. Le compositeur américain d’ordinaire au sommet chez Harmony Korine et surtout Nicolas Winding Refn (encore lui !) ne perd ici rien de sa superbe en déroulant un score impressionnant et souvent en parfaite adéquation avec les images. Enfin, relevons un travail conséquent sur les décors, très appréciables ; leur diversité accentue la fluidité, la richesse et l'ampleur des péripéties.
En deux mots : « Mea Culpa » se révèle être un film d’action nerveux et franchement pas insipide. En son centre, deux comédiens solides que Fred Cavayé sait mettre en valeur par une recherche artistique singulière dans la production française. Malgré un final stimulant, on lui regrette cependant un manque réel d'épaisseur scénaristique qui lui conférerait l’étoffe d’un grand film français.


La Bande Annonce de Mea Culpa :


NOTE 6.5/10

Article rédigé par Douglas Antonio

mardi 28 janvier 2014

L’Amour est un crime parfait

« L’Amour est un crime parfait » est le cinquième essai ciné des frères Larrieu (Jean-Marie & Arnaud), après « Un homme, un vrai », « Peindre ou faire l’amour », « Le Voyage aux Pyrénées » et « Les Derniers jours du monde ». Adapté librement du roman « Incidences » de Philippe Djian, ce polar alpin, doté d’un casting prestigieux (Mathieu Amalric, Sara Forestier, Maïwenn, Karin Viard, Denis Podalydès), sort en salles le mercredi 15 janvier.
Synopsis Allociné : professeur de littérature à l’université de Lausanne, Marc a la réputation de collectionner les aventures amoureuses avec ses étudiantes. Quelques jours après la disparition de la plus brillante d’entre elles qui était sa dernière conquête, il rencontre Anna qui cherche à en savoir plus sur sa belle-fille disparue…
Sélection officielle du Festival International du Film de Toronto, sélection « Las Perlas » à celui de San Sébastien 2013 … ben dis donc, ça rigole pas avec le nouveau long des frères Larrieu. Pourtant, « L’Amour est un crime parfait » est un film terriblement plan-plan qui peine réellement à décoller et nous émouvoir, ce dès les premiers instants. La montagne, la nature, un professeur atypique, des meurtres, des questionnements sur le sexe et l’inceste … une odeur Chabrolienne exquise parfume évidemment ce polar, mais pas de quoi s’extasier en fin de compte. Jean-Marie & Arnaud Larrieu nous entraînent en effet dans une intrigue inutilement hermétique, ponctué de dialogues très scolaires ancrés dans le réel – écrits en langage soutenu – pesants à force de vouloir sans cesse contrecarrer l’absurdité ambiante.
Et si la mise en scène, précise et raffinée (la musique élégante, composée par Caravaggio, participe brillamment à la beauté formelle), nous emballe, le récit judicieusement tortueux et sulfureux des premières minutes est hélas plombé par de grosses ficelles scénaristiques, notamment un dénouement explicatif à la mords-moi-le-nœud qui annihile complètement le propos chaotique suggéré au départ. 
Prenons comme exemple le personnage central du professeur de littérature pervers & attirant, intéressant au premier abord, mais n’est pas Hitchcock qui veut : ses actes, son comportement, son fonctionnement psychique nous indiffèrent au bout d’une demi-heure, la démarche devient vaine.
Quant à la partition théâtrale des comédiens (Mathieu Amalric en tête, avec une diction très prononcée), on a bien du mal à discerner un quelconque intérêt à cette entreprise si ce n’est qu’elle accentue profondément la présentation en faux self des personnages. Maigres lots de consolation : une ambiance agréablement malsaine, parfois sensuelle, et un humour noir surréaliste assez salvateur, qui offrent au spectateur un plaisir non dissimulé.
Bilan : « L’Amour est un crime parfait » est un thriller bas-de-gamme, superficiel et beaucoup plus linéaire qu’il n’y paraît. Passez votre chemin !
Anecdote : Mathieu Amalric & Karin Viard se sont déjà donnés la réplique devant la caméra des frères Larrieu dans leur précédent film, « Les Derniers jours du monde ». De même, Karin Viard s’était déjà retrouvée au générique de mêmes long-métrages avec Maïwenn, en l’occurrence « Le Bal des actrices » & « Polisse », tous deux mis en scène par cette dernière. Sara Forestier & Maïwenn s’étaient quant à elles croisées sur le plateau de « Télé Gaucho » en 2012. Et enfin, notons que Sara Forestier joue également dans « Les Herbes folles », un film franco-italien dans lequel figure Mathieu Amalric. Sacré famille le cinéma français !

La Bande Annonce de L'Amour est un crime parfait:


NOTE: 4/10 

vendredi 24 janvier 2014

The Ryan Initiative

Après quatre aventures ciné inégales (l’excellent « A la poursuite d’Octobre rouge », signé John McTiernan, suivi des dispensables « Jeux de guerre » & « Danger Immédiat », puis du déjà plus honnête « La Somme de toutes les peurs ») et 11 ans de vacances (« La Somme de toutes les peurs » date de 2003), l’analyste de la CIA Jack Ryan, personnage inventé par le romancier Tom Clancy, reprend du service sur grand écran. Commandé par Paramount Pictures, ce reboot de la saga, intitulé « The Ryan Initiative » (« Jack Ryan : Shadow Recruit » en version originale) pour surfer sur la vague du succès « The Bourne … », est réalisé par Kenneth ‘Shakespeare’ Branagh avec pour objectif premium de « réveiller » une franchise qui hibernait à Hollywood depuis quelques années. Révélé par un autre reboot il y a quelques années (« Star Trek »), Chris Pine endosse le rôle du célèbre espion des romans de Clancy dans cette nouvelle version et est donc le quatrième acteur à prêter ses traits au personnage de Ryan, après qu’il ait été incarné au cinéma par Alec Baldwin (« A la poursuite d’Octobre rouge »), Harrison Ford (« Jeux de guerre », « Danger immédiat ») et Ben Affleck (« La Somme de toutes les peurs »). Sortie en salles prévue le 29 janvier 2014.
Synopsis Allociné : Ancien Marine, Jack Ryan est un brillant analyste financier. Thomas Harper le recrute au sein de la CIA pour enquêter sur une organisation financière terroriste. Cachant la nature de cette première mission à sa fiancée, Jack Ryan part à Moscou pour rencontrer l’homme d’affaires qu’il soupçonne d’être à la tête du complot. Sur place, trahi et livré à lui-même, Ryan réalise qu’il ne peut plus faire confiance à personne. Pas même à ses proches. 
Transformer Jack Ryan en pâle ersatz d’Ethan Hunt ou Jason Bourne, voire le métamorphoser en clone de James Bond et John McClane – le swag en moins – est certes une idée intéressante et fructueuse au niveau économique mais vraiment irrecevable sur un plan purement artistique, surtout lorsqu’on connaît un minimum la personnalité du personnage créé par Tom Clancy, qui est davantage un « cerveau » de bureau, incollable en géopolitique mondiale, que le hacker ou le vulgaire agent tout terrain (prêt à distribuer quelques tatanes) présenté ici.
Kenneth Branagh, qui n’a donc pas (ou peu) compris la figure « Jack Ryan », propose un film d’espionnage lambda, réalisé à l’arrache, comme s’il n’avait pas eu le temps de respecter la deadline fixée par le studio pour rendre sa copie (ceci est d’ailleurs peut-être vrai, Branagh ayant remplacé Jack Bender au pied levé au poste de réalisateur, NDLR). Ainsi, « The Ryan Initiative » n’est pas foutu d’introniser correctement ses personnages (caractérisation maladroite du trainer incarné par Kevin Costner, rencontre sentimentale traitée en deux minutes chrono), expédie ses enjeux (le dessein exact du bad guy, le secret de l’identité de l’espion caché à sa fiancée, puis révélé en milieu de course), et bâcle son dernier acte, condamné à une course-poursuite brouillonne et un épilogue miséreux.
Dommage car le metteur en scène nord-irlandais aligne pourtant quelques moments d’espionnage tendus et bien rythmés dans les rues de Moscou, quoique mal maîtrisés sur un plan opératoire (cadrage maladroit, montage rapide infâme). D’ailleurs, la mise en scène de Branagh s’avère ultra fonctionnelle tout du long, totalement impersonnelle et dénuée d’inspiration.
Quant à l’intrigue qui se veut « moderne » (en gros, un homme d’affaires russe qui effectue un krach boursier à distance via un cheval de Troie pour s’enrichir), elle lorgne plus du côté d’un mauvais Die Hard (le 4ème opus pour le récit impacté dans l’aire du temps, le 5 pour la localisation géographique) que de l’ambiance conspirée post-Guerre Froide désirée, et demeure extrêmement basique, avec de plus quelques raccourcis scénaristiques (la révélation de plusieurs twists dans le camion de la CIA) dignes d’une pitoyable production DTV.
De l’autre côté de la caméra, Kenneth Branagh interprète un méchant de pacotille, caricature du russe à l’accent prononcé (que fait Branagh à part rouler les « r » ?). Chris Pine & Kevin Costner s’en tirent pas trop mal, mais le premier ressemble plus au minet qu’il incarnait dans « Target » qu’au Jack Ryan des romans, et le second joue le mentor déjà vu cent fois. Quant à Keira Knightley, qui avait pourtant juré avoir tourné la page des blockbusters après la trilogie « Pirates des Caraïbes », l’actrice fait office de faire-valoir féminin, tendance atout charme. Trop d’impôts à payer Keira ?
Bilan : Un techno-film d’espionnage banal, qui se rêve alternative à James Bond, Jason Bourne et consorts. Sauf que Jack Ryan n’est en rien James Bond, Jason Bourne et consorts Kenneth ! En espérant un reboot de meilleure qualité d’ici quelques années …
Anecdote : C’est le premier film de la licence qui ne s’appuie pas directement sur l’un des livres de l’auteur. Kenneth Branagh et ses scénaristes Adam Cozad et David Koepp ont refusé de s’enfermer dans l’adaptation de l’un des romans écrits par Clancy. Quant on voit le résultat, on se dit qu’il aurait peut-être mieux valu se baser sur un matériel de départ plus solide.


La Bande Annonce de The Ryan Initiative :


NOTE : 3,5/10

mardi 21 janvier 2014

Beaucoup de bruit pour rien (2014)

Entre deux blockbusters super-héroïques,  Joss Whedon, le créateur de « Buffy » et « Angel », se repose. Enfin, pas exactement puisque le papa des « Avengers » s’est attelé durant ce laps de temps à l’adaptation de la pièce « Beaucoup de bruit pour rien », de William Shakespeare, déjà portée sur grand écran en 1993 par Kenneth ‘Thor’ Brannagh. Dans ce nouveau film, Joss Whedon dirige des habitués de son univers : Amy Acker (« Angel », « Dollhouse », « La Cabane dans les bois »), Clark Gregg (« Avengers », « Marvel’s Agents of S.H.I.E.L.D »), Nathan Fillion (« Buffy », « Firefly », « Serenity », « Dr Horrible’s Sing-Along Blog »), Alexis Denisof (« Buffy », « Angel », « Dollhouse », « Avengers »), Tom Lenk (« Buffy », « Angel », « La Cabane dans les bois ») pour les plus connus, mais aussi Fran Kantz (« Dollhouse », « La Cabane dans les bois »), Sean Maher (« Firefly », « Serenity »), Ashley Johnson (« Dollhouse », « Avengers »), Riki Lindhome (« Buffy »), Reed Diamond (« Dollhouse »), Jillian Morgese ( figurante dans « Avengers ») et Maurissa Tancharoen (« Dr Horrible’s Sing-Along Blog »). Sortie en salles prévue le 29 janvier 2014.
Synopsis Allociné : De retour de la guerre, Don Pédro et ses fidèles compagnons d’armes, Bénédict et Claudio, rendent visite au seigneur Léonato, gouverneur de Messine. Dans sa demeure, les hommes vont se livrer à une autre guerre. Celle de l’amour. Et notamment celle qui fait rage entre Béatrice et Bénédict, que leur entourage tente de réconcilier tout en essayant de déjouer les agissements malfaisants de Don Juan. 
S’il peut paraître surprenant de voir le réalisateur Joss Whedon adapter la pièce de William Shakespeare « Beaucoup de bruit pour rien », Joss étant d’habitude plutôt à l’œuvre dans le fantastique, la SF (« Serenity ») ou le tent-pole super-héroïque (« Avengers »), il n’en est rien puisqu’il est en fait un passionné de l’auteur british, à l’instar de son homologue « bourrin » Roland Emmerich (« Anonymous »). C’est donc en toute légitimité que le réalisateur s’est chargé de cette nouvelle livraison ciné, tournée à l’amiable en 12 jours dans sa propre villa, en noir & blanc et presque à l’improviste. Crédité ici à la fois producteur, monteur, compositeur, scénariste et réalisateur, Joss Whedon s’est également entouré de ses proches, puisque sa femme Kai Cole est productrice, et que son frère, Jed, est l’un des compositeurs. En somme, un film intime, en forme de réunion de famille, où le spectateur ne semble bizarrement jamais invité.  
Joss Whedon livre un long-métrage plat et ennuyeux, dont le scénario reprend directement les lignes originales écrites par Shakespeare, le metteur en scène se contentant uniquement de les transposer dans un cadre moderne. Et si l’on peut déplorer un film « fainéant », longuet et inutilement bavard dans sa première heure (William Shakespeare a beau être un auteur inspiré, certaines de ses pièces recèlent d’un ennui profond), qui repose sur une histoire très classique (une romance banale), on peut également lancer quelques pics aux comédiens qui forcent initialement le jeu et semblent considérablement peu investis (Alexis Denisof & Clark Gregg récitent leur texte tels des écoliers, Amy Acker minaude).
Ecriture paresseuse … mais également une réalisation faiblarde, qui n’évite pas l’écueil du théâtre filmé (la règle des trois unités, le sur-éclairage) et dont le seul intérêt réside au départ dans l’adjonction d’une teinture noire & blanche somptueuse, quoique fonctionnelle, appuyant le côté « privé » du projet.
Heureusement, la dernière demi-heure jouit d’une mise en scène davantage accrocheuse (la sublime séquence de la veillée avec les bougies, quelques compositions musicales adéquates), le surjeu des acteurs disparaît à force que l’intrigue se dénoue, et l’on prend plaisir à suivre le cheminement des personnages.

Bilan : Entre deux « Avengers », Joss Whedon prend des « vacances » et met en boîte une nouvelle adaptation de la pièce de Shakespeare « Beaucoup de bruit pour rien ». Sur le papier, c’est audacieux, mais en pratique, le réalisateur, qui opte pour la conservation de la prose de l'auteur anglais à la virgule près, se fend d’un film mou du genou et barbant. Et ce n’est hélas pas la pléiade d’acteurs de la « troupe Whedon » qui parvient à insuffler un quelconque intérêt à l’entreprise.     
Anecdote (source : Allocine.fr) : Le tournage aurait pu s’arrêter en plein milieu à cause des voisins de Joss Whedon qui ont alerté la police lors du shooting des plans de la fête. Les officiers ont demandé à l’équipe d’arrêter le tournage car ils n’avaient reçu aucune autorisation délivrée par la mairie. Après quelques recherches très rapides – et le départ des policiers – Whedon s’est rendu compte qu’il était dans son droit de tourner dans sa propriété privée – ce même avec une équipe professionnelle – et a donc continué.

La Bande Annonce de Beaucoup de bruit pour rien:


NOTE: 4/10

dimanche 19 janvier 2014

Les Brasiers de la Colère

« Les Brasiers de la Colère » est le second film du réalisateur Scott Cooper, réalisateur qu'on avait pu voir à l'œuvre en 2009 avec « Crazy Heart », lauréat de deux Oscars dont un pour son interprète principal : Jeff Bridges. Ce premier long-métrage ayant marqué les esprits, Scott Cooper a logiquement gagné le droit de s'entourer de beau monde pour son second essai au poste de metteur en scène. Christian Bale, Casey Affleck, Woody Harrelson, Forest Whitaker, Willem Dafoe, Sam Shepard et Zoë Saldana offrent tout leur talent devant la caméra tandis que Leonardo DiCaprio, Ridley et feu Tony Scott officient derrière, à la production. Ce casting de renom s'attache à dépeindre le mieux possible ce qui apparaît comme être l'un des thèmes de prédilection du réalisateur : une réalité dure où la misère socio-économique est hélas reine.
Synopsis Allociné : À Braddock, une banlieue ouvrière américaine, la seule chose dont on hérite de ses parents, c’est la douleur. Comme son père, Russell Baze travaille à l’usine, mais son jeune frère Rodney a préféré s’engager dans l’armée, en espérant s’en sortir mieux. Pourtant, après quatre missions difficiles en Irak, Rodney revient brisé émotionnellement et physiquement. Lorsqu’un sale coup envoie Russell en prison, son frère cadet tente de survivre en pariant aux courses et en se vendant dans des combats de boxe. Endetté jusqu’au cou, Rodney se retrouve mêlé aux activités douteuses d’Harlan DeGroat, un caïd local sociopathe et vicieux. Peu après la libération de Russell, Rodney disparaît. Pour tenter de le sauver, Russell va devoir affronter DeGroat et sa bande. Il n’a pas peur. Il sait quoi faire. Et il va le faire, par amour pour son frère, pour sa famille, parce que c’est juste. Et tant pis si cela peut lui coûter la vie.


Psychologique et réaliste sont probablement les deux adjectifs qui décrivent le mieux « Les Brasiers de la Colère ». Braddock, petite ville de Pennsylvanie désertée par la population locale, peut être considérée comme le personnage principal du film. Cette commune de la Rust Belt, où le seul moyen de gagner sa vie est de travailler à la sueur de son front à l'usine, quitte à se flinguer la santé, personnifie immédiatement l'état d'âme des environs : un contenant dénué d’espoir. Scott Cooper traite spécifiquement de la classe ouvrière américaine qui doit lutter quotidiennement pour (sur)vivre. Il trouve en Christian Bale un interprète de choix pour incarner les émotions impliquées par ce contexte. L'acteur livre comme à l’accoutumée une performance magistrale et parvient à transmettre, avec son visage abîmé et pudique, les affres d'une vie esquintée un peu plus chaque jour par le travail du métal éreintant.
La mise en scène, à la fois dure et intimiste, frappe l’inconscient face à la situation des personnages et à la dureté des drames auxquels ils font face. S'il s'agit là indéniablement du point fort des « Brasiers de la Colère », c'est également l'un de ses défauts. Souvent trop appuyé par ces phases psychologiques assommantes, le long-métrage pâtit d’un rythme mou et de transitions longuettes. Alors même que le spectateur comprend le désespoir des protagonistes et qu'une once de joie n'est pas envisageable, Scott Cooper se sent obligé d'en rajouter une couche à plusieurs reprises pour susciter l'empathie. Au bout du compte, l'effet escompté ne fonctionne plus vraiment, ce d'autant plus que les péripéties qui alimentent ce nihilisme ont déjà été rabâchées maintes fois au cinéma (« Voyage au bout de l’enfer », Andrew Dominik, William Friedkin) et ne sont pas aidées par les seconds-rôles, qui manquent cruellement de profondeur, voire de consistance (Zoë Saldana notamment, qui a beaucoup de mal à tirer à trouver sa place).
Conçu sur un moule connu et facilement identifiable (on passe du drame au thriller jusqu'à l'inévitable dernière partie façon dual), le classicisme et la mollesse dont fait preuve le long-métrage n'aident pas vraiment à captiver l’audience jusqu'au bout. C'est donc dans un ennui poli que le spectateur se fraie un chemin jusqu'à l'épilogue pour lequel Cooper semble avoir gardé ses dernières ressources. Désespéré et inéluctable, « Les Brasiers de la Colère » se clôture sur de belles images, qui masquent à peine la déception quant au constat final.
Bilan : Porté par un réalisme en béton-armé et l'interprétation d'un Christian Bale au dessus de tout, « Les Brasiers de la Colère » n'a pas la fureur et l'incandescence qu'impliquent son titre. Même s'il est cohérent jusqu'au bout dans sa mise en scène du désespoir couleur rouille, « Les Brasiers de la Colère » patauge : l'intrigue peine à captiver à forcer de ressasser, sans innover, des arcs narratifs au goût de déjà-vu.
Anecdote : Pour les besoins d'une scène où le personnage de Woody Harrelson sort dans la rue afin de regarder autour de lui si personne ne l'observe, Christian Bale est resté dans la voiture garée plus loin et ce même si Harrelson ne pouvait le voir de cette distance (et que Bale n'apparaît pas à l'écran !). Harrelson se souvient : "Christian est resté assis dans cette bagnole pendant plus d’une heure, simplement pour m’aider à me représenter cette présence invisible. C’est l’une des choses les plus impressionnantes qu’un autre acteur ait faites pour moi."



La Bande Annonce du film Les Brasiers de la Colère :


NOTE : 5/10


Article rédigé par Guillaume Seeleuthner

12 Years A Slave

Après la grève de la faim (« Hunger ») et l'addiction au sexe (« Shame »), le cinéaste engagé Steve McQueen s'attaque aujourd'hui à l'esclavage avec « 12 Years A Slave », co-produit par Plan B, la boîte de Brad Pitt. Doté d'un casting 10 étoiles (Chiwetel Ejiofor, Michael Fassbender, Benedict Cumberbatch, Paul Dano, Paul Giamatti, Scoot McNairy, Brad Pitt), le film, inspiré des mémoires de Solomon Northup, a largement fait le buzz outre-Atlantique en recevant un accueil extrêmement positif de la part des critiques et en s'offrant une place de favori dans la course aux Oscars 2014. Lauréat du Golden Globe du meilleur film dramatique, « 12 Years A Slave » est en effet nommé dans neuf catégories aux Academy Awards, dont celles de meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur acteur.
Synospsis Allocine.fr : Les États-Unis, quelques années avant la guerre de Sécession. Solomon Northup, jeune homme originaire de l'État de New-York, est enlevé et vendu comme esclave. Face à la cruauté d'un propriétaire de plantation de coton, Solomon se bat pour rester en vie et garder sa dignité. Douze ans plus tard, il va croiser un abolitionniste canadien et cette rencontre va changer sa vie...
Steve McQueen a beau être arrogant et prétentieux en interviews, voire souvent moraliste à travers ses films, il n'en demeure pas moins un metteur en scène talentueux et charismatique, considéré par certains comme « le successeur de Spike Lee ».

Mené par un casting exceptionnel, « 12 Years A Slave », son troisième long métrage, clairement son plus ambitieux de tous – une incursion dans la Louisiane des années 1840 à travers le regard du jeune noir Solomon Northup, bien intégré dans la société puis kidnappé avant d'être vendu comme esclave dans cet état sudiste et apprivoisé « Platt » par ses maîtres – est un film âpre, douloureux et tourmenté, fondamentalement nécessaire, qui pêche cependant par une narration trop académique et une mise en scène assez inégale.
Steve McQueen, imprégné d'une volonté de respecter son sujet et d'être fidèle à la virgule près au récit autobiographique de Northup, livre, en effet, un long métrage perturbant, au propos souvent bouleversant (le racisme, voire mieux, l'inhumanité barbare, relève d'idées délirantes, à l'instar du nazisme), mais qui a du mal à transcender le spectateur, notamment à cause d'une mise en scène bancale, tantôt pudique, tantôt démonstrative.
McQueen s'obstine à étirer ses plans fixes et ressent le besoin de montrer la cruauté et l'ultra-violence (le réveil des esclaves au beau milieu de la nuit par Fassbender, simplement pour les faire danser pour le plaisir de son épouse, les coups de fouet distribués plutôt par sadisme que pour punir) plutôt que de la suggérer. De même, on est désarçonné par quelques phrases chocs faciles (« My freedom is everything », « There is nothing to forgive ») et la progression du récit, qui suit une trame vraiment très classique – l'histoire d'un homme qui tente de rejoindre sa famille racontée à la première personne – pour s'achever sur un épilogue tire-larmes malvenu.
Néanmoins, le metteur en scène britannique apporte suffisamment de nuances ailleurs, notamment lorsqu'il aborde la religion et la conviction inébranlable de certains blancs que l'esclavage est dicté par la Bible, qu'on lui pardonne aisément cette réalisation en demi-teinte.
Saluons comme atout indéniable un casting remarquable dans son ensemble, de Michael Fassbender parfait en bourreau sauvage et sans cœur à Lupita Nyong'o, véritable révélation du film, en passant bien évidemment par Chiwetel Ejiofor, comédien au jeu subtil, et Benedict Cumberbatch, admirable en esclavagiste bienveillant.
Il faut également applaudir l'esthétique de qualité de « 12 Years A Slave », saillante grâce à un travail de reconstitution de la Louisiane des années 1840 extraordinaire, ainsi qu'une photographie magnifique, signée Sean Bobbitt, composée de plans impressionnants, d'une beauté saisissante (les corps abîmés, l'amoindrissement de l'espoir dans les regards, le visage profondément blessé d'Ejiofor, les champs de coton). Dans ce paysage artistique fabuleux, seule la composition musicale de Hans Zimmer, plutôt répétitive, voire parfois encombrante, fait un peu tâche.

Bilan : Le plus grand pêché de l'Amérique révélé par Steve McQueen. Film irrégulier, moyennement servi par une mise en scène instable, mais porté par un casting exemplaire et un message important.
Anecdote : Michael Fassbender retrouve Steve McQueen après que ce dernier l'ait dirigé dans « Hunger » et « Shame ». Il collabore également pour la troisième fois avec Brad Pitt, qui enfile ici la double casquette d'acteur / producteur, après l'avoir côtoyé dans « Inglourious Basterds » et « Cartel ». Enfin, notons que Michael Fassbender et Benedict Cumerbatch sont tous deux actuellement en pourparlers avec Disney pour participer au 7ème volet du space opéra « Star Wars », que réalisera J.J. Abrams.

La Bande Annonce de 12 Years A Slave:


NOTE: 6,5/10 

samedi 18 janvier 2014

Jamais le premier soir

Dans le waï des sorties du 1er janvier (« Oldboy », « La Vie rêvée de Walter Mitty », « Paranormal Activity : The Marked Ones », « Du Sang et des larmes », « Nymphomaniac »), on notait également la comédie française « Jamais le premier soir », produite par le « Nul » Dominique Farrugia et portée par le trio Alexandra Lamy, Mélanie Doutey, Julie Ferrier. Chez les garçons, Jean-Paul Rouve et Julien Boisselier crédités au générique. Incroyable constat : cette romcom, dirigée par la novice Melissa Drigeard, s’est payé le luxe de réaliser 64087 entrées le premier jour de sa sortie. Succès public mérité ou nouveau calembour au pays de la comédie française ?
Synopsis Allociné : Julie est une jeune femme pétillante mais continuellement malheureuse en amour. Se faire larguer par coursier à son travail semble donc lui porter le coup de grâce. Mais le livre « le bonheur, ça s’apprend » devient sa bible et elle en applique les conseils à la lettre au travail et en amour. Cette nouvelle lubie de « pensée positive » laisse sceptique ses deux meilleures amies dont la vie amoureuse n’est pas non plus au beau fixe. Quand l’une, Louise, entretient une liaison secrète avec son boss, l’autre, Rose, subit le quotidien d’un couple en bout de course. Devenue cliente régulière d’une librairie où elle dévalise le rayon « épanouissement personnel », Julie va y faire des rencontres qui vont peut-être enfin changer sa vie …
Après les comédies françaises pas drôles pour un sou – voire carrément pathétiques – de l’an dernier (« Vive la France », « Boule & Bill », « Les Profs », « Pas très normales activités », « Les Invincibles », « Eyjafjallajökull », « Les Reines du ring » … une liste assez longue, à faire rire Vincent Maraval), place en 2014 aux boutades qui provoquent le malaise. « 100 % Cachemire » a lancé les festivités le mois dernier, c’est aujourd’hui au tour de « Jamais le premier soir ».

Pour sa première expérience en tant que réalisatrice, Melissa Drigeard livre, en effet, un film plat et fade, impersonnel, tendance produit ultra formaté pour la télé. Que ce soit le scénario faiblard – contextualisé autour des marchants de bonheur, de l’épanouissement personnel post-rupture sentimentale et des mauvaises rencontres avant de remarquer l’âme sœur – les vannes au rabais, ou l’intrigue amoureuse cousue de fil blanc, « Jamais le premier soir » excelle dans la nullité en cumulant les clichés féminins les plus dispensables. Les situations où les trois copines draguent en soirée speed-dating sont pitoyables et témoignent de ce manque consternant d’originalité.
Quant au casting très axé « Les Enfants de la télé », les comédiens ne décrochent jamais ne serait-ce qu’un sourire. Faut dire aussi que miser son capital glam’ sur le couple Alexandra Lamy / Jean-Paul Rouve, ce n’était quand même pas l'idée du siècle. A se demander si Melissa Drigeard n’a pas du sable dans les yeux. Alexandra Lamy a de l’énergie, mais sa spontanéité ne suffit pas et le film peine à prendre son envol. Jean-Paul Rouve cachetonne en libraire à la Hugh Grant, Julien Boisselier a plus l’air d’un pervers pédophile que d’une tête à claques, et Julie Ferrier dégage une certaine antipathie. Seul lot de consolation : le joli minois de Mélanie Doutey et la complicité évidente entre les trois actrices (amies à la ville).
Bilan : Une daube comme le ciné hexagonal en produit à la pelle ces temps-ci, qui donne à fortiori beaucoup de crédit aux propos incendiaires de Vincent Maraval en 2012.
Anecdote : Mélanie Doutey est mariée au comédien Gilles Lellouche, lui-même meilleur ami de Jean Dujardin, ex compagnon d’Alexandra Lamy.

 
La Bande Annonce de Jamais le premier soir :


NOTE : 0/10

jeudi 16 janvier 2014

Jeu - Concours You're Next

Sorti en salles il y a 4 mois, « You’re Next », home invasion brutal comme il faut, surprenait tout le monde par son côté nerveux et inspiré. En somme, un film d'horreur porté par une comédienne dynamique et truffé de clins d'œil aux aînés (Wes Craven, John Carpenter, The Descent), ainsi que de moments de tension gore.
 

La Bande Annonce du film :





Grâce aux Critiques Cinéma de Piwi, vous allez pouvoir gagner un DVD ou un BR du film.




Synopsis Allociné : La famille Davison est réunie dans sa maison de campagne pour célébrer l’anniversaire de mariage des parents. Alors que chacun commence à laisser éclater ses frustrations et rancœurs, la maison est prise d’assaut par un groupe de tueurs masqués. La réunion de famille tourne au jeu de massacre, les assaillants tentent de les supprimer un à un. Mais sous ses airs d’innocente petite amie, Erin va s’avérer pleine de ressources.



A gagner sur Les Critiques Cinéma de Piwi : 2 DVD et 2 BR du film. Pour cela, rien de plus simple, il vous suffit de répondre aux 2 questions suivantes avant le Mercredi 29 Janvier – 23h59 à Oompa_47@hotmail.fr.


 Multipliez vos chances par 4 en vous abonnant au compte @Piwi_47 sur Twitter et en likant la page du blog "Les Critiques Cinéma de Piwi" sur Facebook.




Question 1. Quel est le nom du réalisateur de « You’re Next » ?




Question 2. Quel est le nom du comédien crédité au générique de « You’re Next » qui est aussi réalisateur, notamment du film « Drinking Buddies » ?






Le concours se termine le 29 Janvier à 23h59. Pour faire partie des gagnants, il faut habiter en France métropolitaine et envoyer vos coordonnées complètes (1 seule participation par foyer) par mail à Oompa_47@hotmail.fr Un tirage au sort pour désigner les gagnants aura lieu le 30 Janvier, ils seront avertis par e-mail. Vos coordonnées ne seront pas conservées. Le partenaire enverra directement les lots aux gagnants après communication des coordonnées, Les Critiques Cinéma de Piwi n’a pas à être tenu pour responsable du non acheminement des lots.

lundi 13 janvier 2014

Les Sorcières de Zugarramurdi

Après l’excellent « Balada Triste » en 2010, le réalisateur ibérique Alex de la Iglesia est de retour aujourd’hui avec « Les Sorcières de Zugarramurdi », une comédie d’épouvante totalement barrée qui a cartonné en Espagne l’an dernier (deuxième film le plus vu localement, derrière le triomphe horrifique « Mama », produit par Guillermo del Toro). De l'autre côté des Pyrénées, sortie prévue le 8 janvier 2014.
Synopsis Allociné : En plein jour, un groupe d’hommes braque un magasin d’or de la Puerta del Sol à Madrid. José, père divorcé en plein conflit avec son ex-femme, Tony, son complice, sex-symbol malgré lui, Manuel, chauffeur de taxi embarqué contre son gré dans l’aventure, et Sergio, le fils de José, partent en cavale. Objectif : atteindre la France en échappant à la police … Mais arrivé près de la frontière française, dans le village millénaire de Zugarramurdi, le groupe va faire la rencontre d’une famille de sorcières, bien décidées à user de leurs pouvoirs maléfiques pour se venger des hommes …
Pour son douzième long métrage en tant que réalisateur, Alex de la Iglesia s’est inspiré d’une légende urbaine nationale : celle du village Zugarramurdi, réputé pour avoir abrité de nombreuses sorcières et victime de l’inquisition au cours du XVIIè siècle. Idée tout à fait recevable lorsqu’on connaît le style décalé et le goût prononcé du réalisateur pour l’humour noir. En somme, les motifs d’une empreinte artistique qui, sur le papier, fait incroyablement bon ménage avec l’univers du conte.


Et ce n'est pas le départ en fanfare qui nous contredira : une scène d’ouverture hallucinante, qui pose d’emblée le ton loufoque et le contexte social, celui de la crise économique, thème cher à Alex de la Iglesia et déjà présent dans son précédent long, « Un Jour de chance ». Une galerie de « personnages » à l’accoutrement ridicule – le Christ, un soldat vert en plastique, Minnie Mouse, l’homme invisible et Bob l’éponge – envahit la Puerta del Sol. Quelques secondes plus tard, les cinq compères dégainent les shotguns et braquent une boutique de dépôt d’or, mais se font rapidement surprendre par la police, puis se font la malle. Au programme : un rythme survolté, des acteurs qui s’éclatent et un metteur en scène hyper généreux : en témoigne quelques clins d’œil amusants au cinéma bis (le fils du héros qui brandit un flingue dans chaque main façon John Woo), ainsi qu’une course-poursuite spectaculaire dans les rues de Madrid, filmée avec une énergie folle et un sens inné du cadre.
La suite des festivités : nos braqueurs amateurs (Hugo Silva / Mario Casas, bien dans leurs baskets), poursuivis par les forces de l’ordre et l’ex-compagne du leader loser, atterrissent dans la petite commune de Zugarramurdi, peuplée d’étranges habitants et de sorcières au dessein maléfique. S’ensuit un récit surprenant, misanthrope et nihiliste, à la trajectoire chaotique, oscillant perpétuellement et brillamment entre la comédie noire sur fond de fantastique décomplexé et le drame, avec pour terrain de jeu la guerre des sexes. Une opposition hommes / femmes aux allures de sauterie païenne diablement excitante, commanditée par une Carmen Maura excellente en prêtresse du féminisme préhistorique.
On est évidemment ravi qu’Alex de la Iglesia prenne un malin plaisir à transformer la misogynie de départ (les femmes, hystériques et perverses, peinturées comme des figures du Mal) en un féminisme acerbe (les hommes sont idiots et irresponsables). Dans « Les Sorcières de Zugarramurdi », tout le monde en prend pour son grade, et c'est tant mieux !
De l'autre côté, Alex de la Iglesia se lâche et gorge ses « Sorcières » de références jubilatoires et en pagaille (« Une nuit en enfer » pour le côté road trip vers l’anarchie, « La Maison des 1000 morts » pour le personnage du Capitaine Spaulding, et « La Famille Adams » bien évidemment pour la filiation freak enkystée dans une demeure lugubre).
Le basque fait parallèlement preuve d’un savoir-faire indéniable dans l’enchaînement des péripéties, multipliant ainsi les effets de style et coups de poker à travers sa mise en scène. Travellings audacieux (la course-poursuite hilarante dans le manoir), cocasseries osées (le running-gag poilant du client du taxi martyr des sorcières), maîtrise des espaces, découpage intelligent et rendu final proche d'un « film punk ».
Quant au final – une hystérie collective dans une grotte qui rappelle le Zion de « Matrix Reloaded » – il recèle une telle folie furieuse qu’on lui pardonne aisément des effets spéciaux un peu cheap (l’ogresse-mère de toutes les sorcières ).
Bilan : Le cinéma de genre espagnol a encore de beaux jours devant lui. « Les Sorcières de Zugarramurdi », le dernier long-métrage d’Alex de la Iglesia, est une comédie d’horreur drôle, gore, frappée et déchaînée, menée tambour battant par un réalisateur talentueux, misanthrope et nihiliste, dont l'art maîtrisé et dynamique est ici le principal atout.
 

Anecdote : Carolina Bang, l'interprète de la jeune sorcière, n'est autre que la compagne à la ville du réalisateur. C'est la troisième fois qu'on la retrouve derrière la caméra d'Alex de la Iglesia puisqu'elle était déjà créditée au générique de « Balada Triste » et « Un Jour de chance ».



La Bande Annonce du film Les Sorcières de Zugarramurdi :


NOTE : 8/10