samedi 4 janvier 2014

Nymphomaniac – Volume 1

« Nymphomaniac » aura fait couler beaucoup d'encre. Tout d'abord, sont toujours attendus les longs métrages du controversé Lars von Trier, persona non grata à Cannes suite à ses propos tenus sur Hitler et Albert Speer en 2011, lors de la conférence de presse de son chef d'œuvre « Melancholia », sélectionné en compétition officielle.
Ensuite, le film fait l'objet de rumeurs et news les plus folles depuis sa mise en chantier : sujet érotique peu traité au cinéma – l'épanouissement sexuel d'une jeune femme nymphomane ; désistement de Nicole Kidman un peu au dernier moment, officiellement pour des problèmes d’agenda, officieusement pour des motifs obscurs ; imbroglio autour des différentes versions proposées en salles et refus de Lars von Trier de couper des scènes au montage final, laissant donc la responsabilité du final cut à son producteur Peter Aalbaek Jensen ; présence d’actes sexuels non simulés dans le film, rumeur d'ailleurs corroborée par Shia LaBeouf – crédité au générique – entretenant le doute …

« Nymphomaniac » a également fait jaser le petit monde du cinéma dès la parution en ligne d’une photographie racoleuse et suggestive, mettant en scène une Charlotte Gainsbourg dépravée, entourée de blacks costauds, lors de ce qui s’apparente à un gang-bang. Ce sont ensuite des affiches dévoilant les acteurs principaux en plein orgasme qui ont fait polémique, puis un teaser explicite et enfin, le choix du 25 décembre, jour de la naissance du Christ, pour la sortie danoise du film.
Pour l'occasion, Lars von Trier retrouve sa muse, l'actrice française Charlotte Gainsbourg – 3 collaborations ensemble (« Antichrist », « Melancholia », et ce « Nymphomaniac ») – présente aux côtés d'autres comédiens, des fidèles du metteur en scène danois pour la plupart (Stellan Skarsgard, Willem Dafoe, Udo Kier), mais aussi Uma Thurman, Christian Slater, Connie Nielsen, Jamie Bell, ainsi que le jeune et insolent Shia LaBeouf, habitué aux dérapages médiatiques (le dernier en date étant une accusation de plagiat pour le court-métrage « Howard Cantour.com » qu'il a réalisé), un jeune fou incapable de la boucler ces derniers temps, et également la novice Stacy Martin.
« Nymphomaniac » sort en salles le 1er janvier 2014, du moins le premier opus (le second volet paraîtra fin du mois). Un carton d'avertissement inséré avant le début de ce premier morceau annonce au passage le mécontentement du réalisateur face à cette division, vécue comme une censure de son travail.

Synopsis Allociné : La folle et poétique histoire du parcours érotique d'une femme, de sa naissance jusqu'à l'âge de 50 ans, racontée par le personnage principal, Joe, qui s'est auto-diagnostiquée nymphomane. Par une froide soirée d'hiver, le vieux et charmant célibataire Seligman découvre Joe dans une ruelle, rouée de coups. Après l'avoir ramenée chez lui, il soigne ses blessures et l'interroge sur sa vie. Seligman écoute intensément Joe lui raconter en huit chapitres successifs le récit de sa vie aux multiples ramifications et facettes, riche en associations et en incidents de parcours.
Sur le papier, le projet avait de quoi effrayer. À l'arrivée, « Nymphomaniac » est moins choquant qu'on ne l’imaginait. Première (agréable) surprise, lorsqu’on connaît les antécédents de Von Trier, cf la farce provoc' et gratuite « Antichrist », ou son coup d'éclat cannois. « Nymphomaniac – Volume 1 » a beau relater la vie d'une nymphomane, de son enfance à la découverte de son pouvoir sexuel destructeur – le récit est inspiré du parcours du Marquis de Sade – il ne sombre jamais dans l'étalage porno aguicheur ou la vulgarité primitive.
Cette première tranche s'ouvre par le dialogue entre une jeune femme physiquement amochée et ensanglantée, Joe (Charlotte Gainsbourg), et un vieux célibataire juif nommé Seligman (Stellan Skarsgard), qui la recueille chez lui après l'avoir retrouvée gisante dans une rue suintante. Joe se prétend nymphomane et se confie à lui pour étayer son propos, Lars Von Trier mettant alors brillamment en scène le parcours de cette dernière sous forme de flashbacks entrecoupés de quelques retours au présent.
Cette évocation, organisée en chapitres (8 au total, mais seulement 5 dans ce premier volet), surprend de tous les côtés, et donne lieu à une fresque poétique, tragique mais parfois burlesque, portée par la troublante Stacy Martin, interprète de Joe adolescente et véritable révélation du film.
Mais si « Nymphomaniac » critique avec talent les mœurs de la société contemporaine (les bons sentiments primordiaux, l'entreprise obscène, l'interdit absolu de l'adultère …), il est néanmoins peut-être trop froid et distancié par rapport à la réalité pour convaincre unanimement. Traduction symptomatique de la mélancolie de Von Trier (le bonhomme s'est replié sur lui-même après le scandale cannois) ? Probable. D'autant plus que le réalisateur filme son héroïne tel un vampire émotionnel : son visage émacié, son teint pâle, sa capacité d'absorber les sentiments de ses amants corroborent cette réflexion. Dommage également que Lars Von Trier – ô combien illustratif – s'embarque dans une didactique dépréciative en appuyant les métaphores (la pêche à la mouche, les œuvres littéraires) et de même, son propos, pour délivrer in finale un message un peu con-con : « l'ingrédient secret du sexe, c'est l'amour ».
On peut néanmoins saluer la maestria formelle de Von Trier qui atteint ici des sommets avec une précision chirurgicale. Des jeux de construction et de collage extraordinaires (un montage-photo de pénis en gros plans, des nombres plaqués sur l'écran, un puzzle photo) et également la virtuosité de la composition du dernier segment (l'image divisée en trois cadres avec trois amants de Joe) en sont les témoins probants.
Bilan : Hier, sont sorties seulement les deux premières heures du film « Nymphomaniac », partitionné en deux « volumes » pour de pragmatiques motifs d'exploitation en salles. Peu importent ses qualités et ses défauts, « Nymphomaniac » est un film à tiroirs perturbant – mais toujours intéressant – qui vous envahit à la sortie.
Anecdote (source: Allocine.fr) : Des acteurs porno ont doublé les comédiens « traditionnels » pour les scènes de sexe. Pour que l’illusion soit parfaite, seuls les troncs des « traditionnels » ont été conservés, la partie du corps située en dessous de la ceinture – celle des acteurs porno – a été ajoutée numériquement. Ce prodige technique permet au réalisateur de filmer en plans larges aussi bien qu’en plans serrés.
 
La Bande Annonce de Nymphomaniac:
 
 
NOTE: 8/10

3 commentaires:

  1. Très bonne critique Robin, je suis d'ailleurs assez d'accord avec toi même si j'ai été beaucoup plus enthousiaste, et que, comme tu le sais, je n'ai pas ressenti ce ton froid qui semble t'avoir gêné, sauf dans le chapitre en noir et blanc!

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  2. Et encore, vous n’avez pas vu la version non censurée : https://www.youtube.com/watch?v=8qzzqkEj4rU
    :)

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