lundi 13 janvier 2014

Les Sorcières de Zugarramurdi

Après l’excellent « Balada Triste » en 2010, le réalisateur ibérique Alex de la Iglesia est de retour aujourd’hui avec « Les Sorcières de Zugarramurdi », une comédie d’épouvante totalement barrée qui a cartonné en Espagne l’an dernier (deuxième film le plus vu localement, derrière le triomphe horrifique « Mama », produit par Guillermo del Toro). De l'autre côté des Pyrénées, sortie prévue le 8 janvier 2014.
Synopsis Allociné : En plein jour, un groupe d’hommes braque un magasin d’or de la Puerta del Sol à Madrid. José, père divorcé en plein conflit avec son ex-femme, Tony, son complice, sex-symbol malgré lui, Manuel, chauffeur de taxi embarqué contre son gré dans l’aventure, et Sergio, le fils de José, partent en cavale. Objectif : atteindre la France en échappant à la police … Mais arrivé près de la frontière française, dans le village millénaire de Zugarramurdi, le groupe va faire la rencontre d’une famille de sorcières, bien décidées à user de leurs pouvoirs maléfiques pour se venger des hommes …
Pour son douzième long métrage en tant que réalisateur, Alex de la Iglesia s’est inspiré d’une légende urbaine nationale : celle du village Zugarramurdi, réputé pour avoir abrité de nombreuses sorcières et victime de l’inquisition au cours du XVIIè siècle. Idée tout à fait recevable lorsqu’on connaît le style décalé et le goût prononcé du réalisateur pour l’humour noir. En somme, les motifs d’une empreinte artistique qui, sur le papier, fait incroyablement bon ménage avec l’univers du conte.


Et ce n'est pas le départ en fanfare qui nous contredira : une scène d’ouverture hallucinante, qui pose d’emblée le ton loufoque et le contexte social, celui de la crise économique, thème cher à Alex de la Iglesia et déjà présent dans son précédent long, « Un Jour de chance ». Une galerie de « personnages » à l’accoutrement ridicule – le Christ, un soldat vert en plastique, Minnie Mouse, l’homme invisible et Bob l’éponge – envahit la Puerta del Sol. Quelques secondes plus tard, les cinq compères dégainent les shotguns et braquent une boutique de dépôt d’or, mais se font rapidement surprendre par la police, puis se font la malle. Au programme : un rythme survolté, des acteurs qui s’éclatent et un metteur en scène hyper généreux : en témoigne quelques clins d’œil amusants au cinéma bis (le fils du héros qui brandit un flingue dans chaque main façon John Woo), ainsi qu’une course-poursuite spectaculaire dans les rues de Madrid, filmée avec une énergie folle et un sens inné du cadre.
La suite des festivités : nos braqueurs amateurs (Hugo Silva / Mario Casas, bien dans leurs baskets), poursuivis par les forces de l’ordre et l’ex-compagne du leader loser, atterrissent dans la petite commune de Zugarramurdi, peuplée d’étranges habitants et de sorcières au dessein maléfique. S’ensuit un récit surprenant, misanthrope et nihiliste, à la trajectoire chaotique, oscillant perpétuellement et brillamment entre la comédie noire sur fond de fantastique décomplexé et le drame, avec pour terrain de jeu la guerre des sexes. Une opposition hommes / femmes aux allures de sauterie païenne diablement excitante, commanditée par une Carmen Maura excellente en prêtresse du féminisme préhistorique.
On est évidemment ravi qu’Alex de la Iglesia prenne un malin plaisir à transformer la misogynie de départ (les femmes, hystériques et perverses, peinturées comme des figures du Mal) en un féminisme acerbe (les hommes sont idiots et irresponsables). Dans « Les Sorcières de Zugarramurdi », tout le monde en prend pour son grade, et c'est tant mieux !
De l'autre côté, Alex de la Iglesia se lâche et gorge ses « Sorcières » de références jubilatoires et en pagaille (« Une nuit en enfer » pour le côté road trip vers l’anarchie, « La Maison des 1000 morts » pour le personnage du Capitaine Spaulding, et « La Famille Adams » bien évidemment pour la filiation freak enkystée dans une demeure lugubre).
Le basque fait parallèlement preuve d’un savoir-faire indéniable dans l’enchaînement des péripéties, multipliant ainsi les effets de style et coups de poker à travers sa mise en scène. Travellings audacieux (la course-poursuite hilarante dans le manoir), cocasseries osées (le running-gag poilant du client du taxi martyr des sorcières), maîtrise des espaces, découpage intelligent et rendu final proche d'un « film punk ».
Quant au final – une hystérie collective dans une grotte qui rappelle le Zion de « Matrix Reloaded » – il recèle une telle folie furieuse qu’on lui pardonne aisément des effets spéciaux un peu cheap (l’ogresse-mère de toutes les sorcières ).
Bilan : Le cinéma de genre espagnol a encore de beaux jours devant lui. « Les Sorcières de Zugarramurdi », le dernier long-métrage d’Alex de la Iglesia, est une comédie d’horreur drôle, gore, frappée et déchaînée, menée tambour battant par un réalisateur talentueux, misanthrope et nihiliste, dont l'art maîtrisé et dynamique est ici le principal atout.
 

Anecdote : Carolina Bang, l'interprète de la jeune sorcière, n'est autre que la compagne à la ville du réalisateur. C'est la troisième fois qu'on la retrouve derrière la caméra d'Alex de la Iglesia puisqu'elle était déjà créditée au générique de « Balada Triste » et « Un Jour de chance ».



La Bande Annonce du film Les Sorcières de Zugarramurdi :


NOTE : 8/10

3 commentaires:

  1. On a le même avis à propos de ce film. A la réserve près que j'ai trouvé le sous-texte misogyne de bout en bout, mais ça n'a pas gâché mon plaisir pour autant.

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  2. un bon délire mais ça manque un peu d'originalité et surtout d'un scénario plus cohérent... 5/10

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