mercredi 10 juillet 2013

Pacific Rim

Film Otaku par excellence, attendu depuis des décennies au Japon, « Pacific Rim », signé Guillermo del Toro, est assurément le blockbuster le plus ambitieux de l'année et le plus guetté parmi la geek generation.
Pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce que Guillermo del Toro est ce brillant auteur détectable dans la masse grâce à sa touche esthétique singulière, marquée notamment par un fétichisme des monstres en tout genre, les insectes souvent, mais aussi les entités à l'état larvaire, ou les appareils servant à mesurer le temps. Sa filmographie en est un incroyable témoin : « Mimic », « Hellboy II les légions d'or maudites », « Cronos », « Blade II », et bien sûr le chef d'œuvre artistique « Le Labyrinthe de Pan ».
Secondo car « Pacific Rim », après une promotion laborieuse outre-Atlantique, a reçu le soutien de nombreuses célébrités mondiales : certains étonnants (celui du rappeur Kanye West), d'autres moins (le célèbre concepteur de jeux vidéos Hideo Kojima, père de la saga vidéoludique « Metal Gear Solid », ou encore l'actrice en vogue Emma Watson, amie du metteur en scène mexicain).  
Enfin, pour le motif complexe que tous les yeux d'Hollywood (les analystes, les créanciers, les équipes techniques, les comédiens, les réalisateurs) seront rivés sur les compteurs du box-office us lors du premier week-end d'exploitation en salles. Explications : si « Pacific Rim » cartonne, alors les majors américaines (Warner Bros. , Paramount Pictures, 20th Century Fox, Universal Pictures , Sony Pictures Entertainment, Disney) continueront probablement à produire des projets créatifs high budget maintenant à flot les artistes qui se donnent les moyens de leurs ambitions pour être reconnus comme de réels auteurs. Si le public tourne le dos à « Pacific Rim », comme ce fut le cas récemment pour les quelques productions à budgets maousses dites « originales », « After Earth », « Oblivion », « Lone Ranger » et « White House Down », les grandes firmes hollywoodiennes se résigneront vraisemblablement à financer uniquement des films dits « franchisés » : remake, reboot, sequel, prequel, spin-off, adaptations de romans, de comic-book, de jeux, et consors, ou issus d'une licence, gages de rentabilité colossale en termes économiques.
 
 
Pour mettre en boîte le démesuré « Pacific Rim », on notera que Guillermo del Toro s'est attaché les services des plus talentueux techniciens contemporains : Peter Amundson, le monteur de « Godzilla » et « Hellboy », Richard L. Johnson, le directeur artistique de « Big Fish » et « Transformers 3 – La Face cachée de la Lune », Carol Spier, la fidèle chef décoratrice de David Cronenberg, ainsi qu'un casting hétéroclite, composé de la figure de proue Ron Perlman (un ami proche – « Pacific Rim » marque leur 5ème collaboration), de Charlie Hunnam, beau gosse vu dans « Sons of Anarchy » et « Hooligans », Rinko Kikuchi (« Babel »), et le nouvellement bankable Idris Elba (« Prometheus », « Thor »). 
En conclusion de cette introduction, un tweet du réalisateur Brad Bird (« Les Indestructibles », « Ratatouille », « Mission : Impossible - Protocole Fantôme » et surtout le projet SF top secret « Tomorrowland » prévu pour l'an prochain) qui en dit long sur les travers actuels d'une industrie hollywoodienne au bord de l'implosion :
Synopsis Allociné : Surgies des flots, des hordes de créatures monstrueuses, les « Kaiju », ont déclenché une guerre qui a fait des millions de victimes et épuisé les ressources naturelles pendant des années. Pour les combattre, une arme d'un genre nouveau a été mise au point : de gigantesques robots, les « Jaegers », contrôlés simultanément par deux pilotes qui communiquent par télépathie. Mais même les Jaegers semblent impuissants face aux redoutables Kaiju. Alors que la défaite paraît inéluctable, les forces armées qui protègent l'humanité n'ont d'autres choix que d'avoir recours à deux héros hors normes : un ancien pilote au bout du rouleau et une jeune femme en cours d'entraînement qui font équipe pour manœuvrer un Jaeger légendaire, quoique d'apparence obsolète. Ensemble, ils incarnent désormais le dernier rempart de l'humanité contre une apocalypse de plus en plus imminente …
Guillermo del Toro aurait-il (enfin) réalisé son rêve de gosse ? Réponse affirmative si l'on en croit les cinq premières minutes de bobine de « Pacific Rim ». Des combats titanesques entre les Kaiju, créatures monstrueuses sorties d'une brèche sous-marine du Pacifique, et les Jaegers, robots géants créés de toutes pièces par des humains au bord de l'apocalypse, filmés avec passion et brio par l'enfant Guillermo qui s'en donne à cœur joie et sans prétention (chose suffisamment rare à Hollywood pour être soulignée) pour matérialiser ses ambitions artistiques les plus folles, sans être limité par un budget restrictif.
Inspiré par la culture nippone et ses animes dits « mécha », sous-genre des mangas ayant la particularité de mettre en scène des personnages utilisant ou incarnant des armures robotisées, généralement de formes humanoïdes, « Neon Genesis Evangelion », « Goldorak », ou encore « Patlabor » en ligne de mire, Guillermo del Toro puise également son brillant savoir-faire dans les films ou séries TV de monstres, eux aussi japonais, « Godzilla » (évidemment) et « Ultraman » en tête. Un étonnant mash-up Giant Monsters vs Giant Robots qui perfore la rétine grâce à des séquences de combats hallucinants. Une ampleur sans précédent au cinéma !
Des instructions également dignement héritées de ses pairs occidentales, le king James Cameron (« Avatar »), Tonton Spielberg (une scène souterraine rend d'ailleurs hommage au fameux verre d'eau qui tremble de « Jurassic Park »), quelques auteurs de la firme Amblin Entertainment [Joe Dante et son « Aventure intérieure », Jan de Bont (la chasse aux Kaiju rappelle par moments la fantastique chevauchée des tornades de « Twister ») et consorts], mais aussi les pyrotechniciens Michael Bay et Roland Emmerich, ou le récent « Cloverfield ».
Si on en prend plein la vue, c'est aussi grâce à l'incroyable travail – très pictural – du fidèle chef opérateur Guillermo Navarro qui s'amuse comme un petit farfadet à jouer la carte de la pénombre (les Kaiju surgissent le plus souvent la nuit) pour créer l'anxiété (moins on discerne les contours d'une entité menaçante, plus elle devient angoissante) pendant que l'autre Guillermo drive à merveille les types d'ILM (Industrial Light & Magic, société d'effets spéciaux fondée par George Lucas) afin de nous couper le souffle.
Pari réussi d'autant plus que notre mexicain porte une attention particulière à ouvrir sa superproduction à l'échelle internationale, au point de nommer les monstres en japonais, de situer une bonne partie de son action à Hong-Kong et d'offrir le premier rôle féminin à une actrice japonaise (Rinko Kikuchi). On pardonnera quelques maladresses de mise en scène, par exemple les grands bruits sourds qui sont quasiment devenus la norme de la musique de blockbuster depuis le thème d'« Inception » par Hans Zimmer et la bande-son peu inspirée du compositeur Ramin Djawadi à qui l'on doit les scores des séries « Prison Break » et « Game of Thrones », transcendant les images qu'à de rares instants. Le relief 3D – une conversion post-prod' réalisée malgré l'avis contraire de Guillermo del Toro – propose une expérience d'immersion visuelle intéressante, à distance néanmoins des prouesses technologiques d'« Avatar » et de « L'Odyssée de Pi ».
Mais rassurez-vous, il n'est pas nécessaire d'être un fervent connaisseur de kaiju ega (film de monstres japonais) ou du genre mecha pour apprécier le spectacle, car Guillermo del Toro n'omet pas de fournir son propre bagage dans « Pacific Rim ». Une richesse absolue dans les détails. Tous les motifs et leitmotivs récurrents du réalisateur sont en effet bel et bien présents : insectes, trucs visqueux dans des bocaux, lumière verdâtre, labyrinthes, orpheline, tentacules façon Lovecraft, rouages et autres mécanismes d'horlogerie géants à l'intérieur des robots, dissection, poésie dark – les reviviscences d'un trauma d'enfance, avec une fillette apeurée face à un monstre géant – humour geek avec au passage l'un des plans les plus fun de l'histoire du cinéma (incluant un pendule de Newton), au plaisir du fanboy qui sommeille en chacun de nous.
C'est du côté du scénario signé Travis Beacham, que le bât blesse (un peu). S'il fait amplement le job (développement intéressant à la James Cameron, structure narrative solide), Travis Beacham délaisse un tantinet les émotions et livre une histoire rarement surprenante. Paradoxe absolu : plus de larmes ou de joies à l'intérieur des Jaegers Gipsy Danger et Striker Eureka qu'à l'extérieur, chez les humains.
Les humains, parlons-en. Si nous nous délectons de voir Ron Perlman cabotinait à mort en trafiquant d'organes fustigeant la guerre, et que nous sommes ravis de l'emploi de la comédienne Rinko Kikuchi, très touchante ici, le reste du casting, légèrement bancal, déçoit.
Tout d'abord les deux Charlie : Charlie Hunnam, faillible par son manque de charisme évident, et Charlie Day en nerd imbitable à la voix insupportable. Ensuite, Max Martini et Robert Kazinsky, dont la relation père – fils semble lacunaire, sont fades et effacés. Et enfin, Idris Elba, l'acteur à la stature imposante, est loin d'être parfait, mais le pauvre bénéficie hélas des scènes les moins bandantes de « Pacific Rim ».
Car c'est en effet lorsque Guillermo del Toro flirte avec Michael Bay et Roland Emmerich (le discours d'Elba pour motiver les troupes, séquence over patriotique à la « Independance Day », la grande gueule qui caresse son toutou, le happy-end très américain) qu'on se demande si le studio n'a pas eu malgré tout un certain regard sur le final cut. Dommage !
Bilan : Du mecha, de la grosse bestiole, des bastons badass au design léché, le geek del Toro accouche d'un rêve de gosse sur grand écran et se lâche complet dans un blockbuster hyper généreux en action, mais parfois avare en émotions. Ce qui apparaît néanmoins certain : il y aura un avant / après « Pacific Rim ». Pacific rime avec épique, esthétique, boulimique, pachydermique et geek !
La Bande Annonce de Pacific Rim :
 
 
NOTE: 8,5/10
 
EN BONUS, mon passage dans la web émission APRES LA SEANCE:
 
 
Petit passage derrière les caméras de Warner bros également:
 
 

5 commentaires:

  1. Je suis beaucoup moins excité que la plupart des gens, le concept mixant trop de choses déjà vues (King Kong, Godzilla, Transformers) et del Toro ne me parlant pas à chaque fois (Hellboy).
    Mais j'irai le voir dès que possible pour voir ce qu'il en est.

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    1. Un monsters / robots mash-up en forme d'hommage aux Mangas, c'est un concept innovant je trouve. Peut être que séparément ça existe, mais là, c'est du jamais vu.

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  2. Excellent dans la forme dommage que tout ne suive pas (clichés pères-enfants, 2 équipages trop vite expédiés...)... 3/4

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    1. "2 équipages trop vide expédiés" => c'est à dire ?

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  3. le trio asiat et les russes, à peine le temps de le voir qu'ils passent à la casserole. Ils avaient un bon potentiel et auraient permis une interaction plus dense entre les personnages. Vu le charisme d'huitre des deux autres équipages je trouve décevant de s'être autant focaliser sur eux alors que les asiat et russes auraient pu enrichir un peu mes liens "humains"...

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