jeudi 23 mai 2013

Only God Forgives

Succès planétaire de « Drive » oblige, Nicolas Winding Refn était attendu au tournant sur son nouveau long métrage. Et pour cause, le danois ne fait absolument pas partie de cette catégorie « grand public » de réalisateurs interchangeables dits « Yes Men » dans le milieu, NWR peut se vanter d’une patte artistique singulière avec son esthétique sidérante et sa violence inouïe, voire imprévisible. Aujourd’hui, le metteur en scène de « Bronson » sort dans les salles « Only God Forgives », tourné en Thaïlande, et dont la bande annonce hypnotise tout le monde depuis des mois.
Synopsis Allociné : A Bangkok, Julian, qui a fui la justice américaine, dirige un club de boxe thaïlandaise servant de couverture à son trafic de drogue. Sa mère, chef d’une vaste organisation criminelle, débarque des Etats-Unis afin de rapatrier le corps de son fils préféré Billy : le frère de Julian vient en effet de se faire tuer pour avoir sauvagement massacré une jeune prostituée. Ivre de rage et de vengeance, elle exige de Julian la tête des meurtriers. Julian devra alors affronter Chang, un étrange policier à la retraite, adulé par les autres flics …
Le cinéma de Winding Refn a toujours dégagé quelque chose de fascinant. Du « Guerrier silencieux » à « Bronson », en passant par sa trilogie « Pusher », le réalisateur danois aime les figures, on le sait, et filme toujours ces dernières avec une sincérité foudroyante, ainsi qu’avec un goût prononcé pour le sens des images et la violence hors norme.
  
Le bonhomme frappe encore une fois très fort avec cet anti-« Drive 2 » onirique, surréaliste et expérimental, tendance arty, à la beauté sidérante, à la noirceur prégnante, dont la mise en scène chiadée et inventive nous rappelle constamment les filtres rougeâtres du frenchy Gaspar Noé.
Explorant le complexe d'Oedipe de manière brutale et captivante façon Romulus & Rémus, en déracinant les sombres recoins de la personnalité du ténébreux Julian (Ryan Gosling) et de sa mère, interprétée par une Kristin Scott Thomas impitoyable, à contre-emploi total, la caméra de Winding Refn flirte une nouvelle fois avec la mort pour enfanter un hallucinant cauchemar thaïlandais, vain et déjanté, dans un style proche des trips Lynchiens et Wong Kar-waïens. Avec « Only God Forgives », NWR, en mode punk radical et rentre-dedans, développe sa passion pour les plans de couloirs, marchant sur les traces de son mentor Stanley Kubrick.
« Only God Forgives », au-delà de son appétit féroce pour une sauvagerie qui pourra en dérouter plus d'un, est avant tout un film éblouissant sur les relations mère – fils, sur l'honneur, la vengeance, le fantasme, l'humiliation, l'opposition, l'impuissance, la perte de l'objet désiré...
Jamais obscène, malsain ou incestueux, le scénario de « Only God Forgives », qu'on pourrait considérer à tort comme chétif, balaye ces thématiques sans aucune concession et laisse le spectateur pantois à la sortie, libre de toute réflexion.
Ryan Gosling, plus neurasthénique et mutique que jamais, poursuit sur sa lancée de « Drive » dans un rôle complexe de gérant de club de boxe, meurtri d'abord symboliquement par des angoisses de castration, puis littéralement – la gueule défoncée – par le personnage du flic thaï qu'incarne Vithaya Pansringarm (prestation diabolique), unique figure paternelle du film.
Côté crew, comme on ne change pas une équipe qui gagne, c'est le compositeur de « Drive », Cliff Martinez, qui se charge une nouvelle fois de sublimer les images de NWR, à l'aide d'une bande-son absolument magnétique.
Bilan : Accueilli sur la croisette par un tonnerre d'applaudissements et quelques huées simultanées après la séance, le nouveau film de Nicolas Winding Refn est à la fois limpide et affreusement déconcertant. Décoratifs et névrosés, « Only God Forgives » et les bas-fonds de Bangkok filmés sous les néons n'ont pas fini de faire parler d'eux.
 
La Bande Annonce de Only God Forgives:
 
 
NOTE: 9/10

9 commentaires:

  1. Très bonne critique! Je suis entièrement d'accord avec toi, même si j'ai quelques réserves notamment sur l'interprétation de Kristin Scott Thomas que je trouve un peu too much. Je voulais pas la lire avant d'avoir terminé la mienne, mais j'ai craqué ^^

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Aymeric, ça me fait plaisir :)

      Supprimer
    2. Critique constructive, ample et aboutie qui plus est sur un film qui laisse tout sauf pantois. Félicitations.

      Supprimer
  2. Critique intéressante pour un film qui ne peut pas laisser indifférent. Je suis fan de Noé depuis toujours ( enfin depuis que je connais son ciné ) et j'avoue qu'il est impossible de ne pas penser à lui dans certaines scènes qui renvoient clairement à Enter the void. Je ne suis pas aussi enthousiaste que vous quant à la bande originale que j'ai trouvée plutôt... non pas mauvaise mais souvent inadaptée aux scènes, en décalage. Mais peut-être était-ce volontaire ? Je vais retourner voir ce film, c'est certain, ne serait-ce que pour comprendre pourquoi j'ai voulu quitter la salle au cours de la première partie tellement je trouvais ça mauvais, lent et emprunté, voire pédant. Heureusement que je suis restée pour en voir plus, et en apprécier les qualités, car ce film n'en est pas exempt.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai appris que Gaspard Noé était même sur le tournage en fait. Sinon j'ai trouvé la BO assez envoûtante oui, même si effectivement je reconnais qu'il y a parfois un espèce de décalage.

      Supprimer
    2. Noé et Refn s'admirent tous deux, et il y a une interview croisée des deux cinéastes dans le numéro de mai de Première, assez intéressante, d'ailleurs !

      Supprimer
    3. Je vais lire ça tiens. Merci du tuyau

      Supprimer
  3. Je dis re- OUI... Fan de la première heure de NWR (pour moi actuellement le meilleur) il frappe encore un grand coup... Néanmoins je trouve que depuis "Drive" Hollywood semble araser le côté rugueux du réal, attention pour le prochain... Tous ses autres films ont eu mini 9/10 mais là je mets 8/10... En espérant...

    RépondreSupprimer