dimanche 3 novembre 2013

Snowpiercer, Le Transperceneige

Après Kim Jee-woon (« Le Dernier rempart ») et Park Chan-wook (« Stoker »), c'est au tour du coréen Bong Joon-ho de franchir les continents et de réaliser un film à Hollywood. En l'occurrence « Snowpiercer, Le Transperceneige », libre adaptation de la bande-dessinée éponyme de Jean-Marc Rochette, Benjamin Legrand et Jacques Lob. Doté d'un budget modeste d'environ 39 millions de dollars, « Snowpiercer » a pourtant l'ampleur d'un blockbuster (co-production internationale, scènes d'action à couper le souffle, décors fantastiques, casting quatre étoiles hétéroclite) et sort en salles le 30 octobre.
Synopsis Allociné : 2031. Une nouvelle ère glaciaire. Les derniers survivants ont pris place à bord du Snowpiercer, un train gigantesque condamné à tourner autour de la Terre sans jamais s'arrêter. Dans ce microcosme futuriste de métal fendant la glace, s'est recréée une hiérarchie des classes contre laquelle une poignée d'hommes entraînés par l'un d'eux tente de lutter. Car l'être humain ne changera jamais …
Après les très remarqués « The Host », « Mother » et « Memories of Murder », Bong Joon-ho a choisi d'adapter sur grand écran une BD post-apocalyptique parue en France en 1982, « Le Transperceneige », où les survivants de l'espèce humaine s'abritent pour l'éternité à bord d'un gigantesque train qui file perpétuellement autour d'un monde figé par la glace. Bien lui en a pris, puisqu'il signe là le film de science-fiction le plus abouti, maîtrisé et inspiré de l'année.
Brassant des thèmes comme la lutte des classes, la mondialisation (« Upside Down », « Elysium », « Hunger Games – L'embrasement » … le ressort de la différenciation des classes socio-économiques ne semble définitivement pas usé à Hollywood) et la survie de l'humanité sous forme d'ode à la résistance, « Snowpiercer » se distingue de ses pairs à la fois par sa construction en forme de parabole politique cinglante et son rythme surprenant, qui rappelle celui d'un jeu-vidéo (variation des points de vue, ou encore narration en forme de level-up, une progression par niveaux, à la fin desquels surgissent toujours de nouveaux boss, jusqu'à atteindre le dernier stade de jeu, avec son némésis final).
Le cinéaste sud-coréen s'est par ailleurs parfaitement adapté aux contraintes mécaniques du blockbuster (gestion des espaces et direction d'un grand nombre d'acteurs à la manière d'une chorégraphie), tout en conservant son style unique qui le rend si insaisissable : un récit souvent dramatique et noir, parcouru de moments foncièrement abstraits, voire absurdes, proposés comme remèdes à la gravité de la réalité. Ici, la violence extrême et tragique du périple des rebelles, la vision du chaos et la mélancolie (il s'agit quand même d'une fable métaphysique autour de la fin du monde) confrontées au comique burlesque de certaines scènes (l'extravagante Tilda Swinton) et aux comportements parfois étranges du personnage incarné par l'acteur fétiche de Bong Joon-ho, alias Song Kang-ho, une fois de plus excellent. Autres exemples probants : tout d'abord, une séquence de bataille hallucinante interrompue par une célébration du nouvel an, et enfin, un morceau amical et drôle mettant en scène des enfants en adoration devant le démiurge du train, morceau qui contraste avec la férocité des agissements des adultes dans les minutes qui suivent. De quoi féliciter Bong Joon-ho, surtout lorsqu'on sait à quel point l'industrie américaine est généralement frileuse, voire hostile, à toute forme de singularité.
La virtuosité de Bong Joon-ho réside également dans la mise en scène : outre l'incroyable bande-originale de Marco Beltrami et les décors somptueux, il faut surtout saluer le défi relevé haut la main d'une histoire grandiose proposée dans un espace confiné – en l'occurrence, le train, probablement un des motifs les plus cinématographiques qui soit. Pas évident sur le papier. Pourtant, le réalisateur sud-coréen s'en tire à merveille et édifie une expérience brutale, guidée par la révolution qu'entame Curtis, personnage mystérieux incarné par un Chris Evans décidément de plus en plus en jambes, entraînant les prolétaires de la cale (l'arrière du train) à remonter un à un les wagons pour réclamer justice.
Bilan : Bong Joon-ho réussit avec brio son baptême de feu au pays de l'Oncle Sam. « Snowpiercer, Le Transperceneige » est un divertissement spectaculaire, un petit bijou de science-fiction, une œuvre complexe mais résolument fidèle à l'identité formelle (déjouer les attentes du spectateur avec un sens prononcé de la rupture) et thématique (la lutte des classes) du réalisateur sud-coréen.
Anecdote : Beaucoup de similitudes entre « Scott Pilgrim » et « Snowpiercer ». Outre la présence des acteurs Chris Evans et Alison Pill qui jouaient tous deux dans « Scott Pilgrim », on retrouve la même progression narrative en forme de level up jusqu'au boss final. Enfin, le personnage de Jamie Bell est nommé « Edgar » d'après Edgar Wright, réalisateur de « Scott Pilgrim » (aucun des personnages n'a le même nom que dans la BD). Autant dire que le réalisateur Bong Joon-ho est fan du long métrage !
 
La Bande Annonce de Snowpiercer, Le Transperceneige:
 
 
NOTE: 9/10
 

2 commentaires:

  1. Très bonne critique, encore une fois parfois j'aimerai pouvoir m'exprimer et utiliser des termes de la même façon que toi ^^ Bon après je ne partage vraiment pas ton enthousiasme sur le film, puisque comme tu l'as si bien démontré, les sous-thèmes sont quand même très forts, mais pour moi ils n'existent pas assez à l'écran, l'histoire principale, que j'ai trouvé affreusement mauvaise, et qui utilise un peu trop de révélations et de retournements de situations rocambolesques, prend trop le dessus. A part la mise en scène, et Chris Evans, y'a vraiment rien du tout que j'ai apprécié. Mais bon, comme à chaque fois que je déteste un film en salles, je le reverrai à sa sortie blu-ray :)

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    1. Merci Aymeric, c'est sympa, ça me touche beaucoup.

      Et pour le fond, ralala, heureusement qu'on se réconcilie sur Man of Steel, OGF, Springbreakers et Gravity :)

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