lundi 21 octobre 2013

L'Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet

Jean-Pierre Jeunet est un auteur à la touche singulière – un univers reconnaissable entre mille – qui n'a jamais égaré son talent à travers le temps, quoiqu’on en dise. Le metteur en scène français à la fibre poétique et au style nostalgique inégalable (l’ambiance de vieille brocante, les personnages fantaisistes, le fidèle Dominique Pinon, les effets visuels inventifs et acidulés, le filtre jaune-vert) fut largement décrié après la sortie du quatrième volet « Alien » alors qu’il insufflait pourtant au mythe une nouvelle vitalité. Le triomphe mondial du « Fabuleux destin d’Amélie Poulain », remède à la mélancolie vendu sans son acolyte Marc Caro, remit rapidement tout le monde d’accord.  
Après le bide – non mérité – de « Micmacs à tire-larigot », comédie burlesque étonnante en forme d’hommage à Méliès, Jean-Pierre Jeunet essuya hélas un nouvel échec avec l’affaire « L'Odyssée de Pi » : Jeunet devait en effet réaliser le film avant que le projet n'échoue finalement entre les mains d’Ang Lee, avec le succès que l'on connaît. Aujourd'hui, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et le frenchy digère ces péripéties en sortant son nouveau long métrage, une aventure initiatique au titre à rallonge, « L'Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet » transposition ciné du roman éponyme – réputé inadaptable – de Reif Larsen.
Synopsis Allociné : T.S. Spivet, vit dans un ranch isolé du Montana avec ses parents, sa sœur Gracie et son frère Layton. Petit garçon surdoué et passionné de science, il a inventé la machine à mouvement perpétuel, ce qui lui vaut de recevoir le très prestigieux pris Baird du Musée Smithsonian de Washington. Sans rien dire à sa famille, il part, seul, chercher sa récompense et traverse les Etats-Unis sur un train de marchandises. Mais personne là-bas n'imagine que l'heureux lauréat n'a que dix ans et qu'il porte un bien lourd secret …
Avec « L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet », Jeunet redevient jeune et formidable conteur d’histoires. En narrant les tribulations et pérégrinations du jeune génie T.S. Spivet à travers les Etats-Unis, Jean-Pierre Jeunet retrouve en effet les thèmes qui lui sont chers (l’enfance vulnérable, la désillusion des rêves de gosse, les rencontres éphémères …), tout en proposant parallèlement une escapade très adulte, ponctuée de moments émouvants (la question du deuil y est abordée frontalement mais avec beaucoup de tendresse, la confrontation finale avec la mère est bouleversante) et séquences magnifiques (les paysages du Montana recréés au Canada, lieu de tournage de l’aventure). Comparaison évidente avec « Moonrise Kingdom » de Wes Anderson qui surfait sur la même vague mélancolique. 
Pour représenter l’imaginaire foisonnant de Spivet – des dizaines de schémas tarabiscotés – et entretenir la magie, Jean-Pierre Jeunet s’est entouré de son équipe habituelle (hormis le DP Bruno Delbonnel, remplacé par le tout aussi prodigieux Thomas Hardmeier) et mitraille la rétine du spectateur d’artifices en tout genre, qu’il manie évidemment à la perfection (des collages, des vignettes, des bulles, des filtres, le splendide relief 3D créé lors du tournage à l’aide de la caméra Arriflex Alexa).
Jeunet fait donc preuve d’une mise en scène maîtrisée, mais aussi d’une profondeur et d’une finesse dans la présentation des personnages, toujours très loufoques. Dans la famille Spivet, on a donc droit au frère jumeau intrépide, à la grande sœur promise à une grande carrière de mannequin, à la mère collectionneuse (jouée par une Helena Bonham Carter qu’on n’avait rarement connue aussi naturelle) et au père, un cowboy né un siècle trop tard. Mais ce n’est pas tout, Jeunet expose également toute une galerie de personnages secondaires bien barrés (comme à l’accoutumée), croisés par Spivet au décours de son périple : un routier bienveillant, une directrice de musée futée, des policiers baroudeurs … EXTRAORDINAIRE !
Dommage seulement que le jeune Kyle Catlett, pourtant très pro (on devine qu’il a bûché longtemps pour le rôle), peine à insuffler une âme à Spivet pour toucher l’audience en plein cœur.
Bilan : Extravagant et Prodigieux, « T.S. Spivet » l’est assurément ! Jeunet revient en forme pour son septième long métrage, une traversée émouvante à travers le continent américain. Subtile et drôle, « T.S. Spivet » est aussi l’occasion pour Jeunet de balayer des thèmes plus matures comme la douleur morale liée à la perte d’un être cher. Une franche réussite !
Anecdote : Le roman intéressait depuis quelques années Hollywood et l'auteur Reif Larsen avait établi une liste de 5 réalisateurs potentiels : Alfonso Cuaron, Wes Anderson, Guillermo Del Toro, Tim Burton et Jean-Pierre Jeunet.
 
La Bande Annonce de L'Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet:
 
 
NOTE: 8/10

2 commentaires:

  1. Mignon et émouvant, esthétiquement rien à redire mais finalement le voyage en lui-même est secondaire, trop court et surtout nullement extravagant... 2/4

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    1. Je suis pas totalement en désaccord avec ce comm' mais par contre, j'ai quand même voyagé :)

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