jeudi 15 août 2013

Elysium

Été 2009. Neill Blomkamp, un scénariste / réalisateur Sud-Africain émigré au Canada, débarque de nulle part et truste le box office mondial avec son premier long métrage, « District 9 », un film sans tête d'affiche, sponsorisé tout de même par Peter Jackson, crédité comme producteur exécutif du projet.
Dans ce chef d'œuvre de science-fiction, Neill Blomkamp employait un style docu, caméra tenue à la main, façon Paul Greengrass, avec une technique de cinéma vérité, mélange parfait avec la nature et le photo-réalisme des images générées par ordinateur. Le réalisateur rapportera par la suite avoir mélangé toutes ses préférences en matière de SF, en s'inspirant surtout des films d'action fantastiques des années 80, dont « Aliens » (son favorite movie all-time), « Terminator », « Robocop » et « Predator ».
Mais rappelez-vous que « bien avant d'être pris sous l'aile du célèbre metteur en scène néo-zélandais, Neill Blomkamp a en réalité débuté sa carrière dans les effets visuels. De 1998 à 2004, il travaille notamment pour le studio d'effets numériques Rainmaker Digital Effects, avant d'être un des membres fondateurs de The Embassy Visual Effects, à Vancouver. Il y est animateur 3D sur un paquet de séries à la mode, comme « Stargate SG-1 », « Smallville », ou encore « Dark Angel ». Il se lance ensuite dans la réalisation de court-métrages, dont le premier, « Alive in Joburg », tape dans l'œil de plusieurs actifs du cinéma planétaire contemporain, dont un certain Peter Jackson. Alors qu'on lui commande de nombreux spots publicitaires (dont celui où une Citroën cache un clone de « Transformers »), le réalisateur des « Seigneur des Anneaux » lui propose de mettre en scène l'adaptation ciné de la saga vidéo-ludique « Halo ». Si le développement de ce long métrage ô combien attendu est finalement abandonné, Neill Blomkamp réalise malgré tout une série de trois pubs – très remarquées – à l'occasion de la sortie du jeu vidéo « Halo 3 ». Élaborés avec l'aide du studio d'effets spéciaux « Weta », ces clips reçoivent de nombreux prix à travers le monde ».
Pour son second film en qualité de réalisateur, Neill Blomkamp s'est attelé à la confection d'un projet fou, particulièrement risqué: « Elysium », un long métrage de SF classé « R », non proposé en format relief 3D, avec un propos socio-politique prégnant, et aucune franchise derrière pour soutenir la campagne marketing ou générer un programme de licencising. Résultat attendu dans les salles le mercredi 14 août !
Synopsis Allociné : En 2154, il existe deux catégories de personnes : ceux très riches, qui vivent sur la parfaite station spatiale crée par les hommes appelée Elysium, et les autres, ceux qui vivent sur Terre devenue surpeuplée et ruinée. La population de la Terre tente désespérément d'échapper aux crimes et à la pauvreté qui ne cessent de se propager. Max, un homme ordinaire pour qui rejoindre Elysium est plus que vital, est la seule personne ayant une chance de rétablir l'égalité entre ces deux mondes. Alors que sa vie ne tient plus qu'à un fil, il hésite à prendre part à cette mission des plus dangereuses – s'élever contre la Secrétaire Delacourt et ses forces armées – mais s'il réussit, il pourra sauver non seulement sa vie mais aussi celle de millions de personnes sur Terre.
Après « Hunger Games », « Time Out » et « Upside Down », le ressort de la différenciation des classes socio-économiques ne semble définitivement pas usé à Hollywood. Neill Blomkamp décline les thématiques abordées dans « District 9 », une nouvelle fois à travers le prisme de la SF. Sauf que dans « Elysium », il s'agit davantage d'étudier la lutte pour la survie en milieu hostile que de se lancer dans la parabole sociale. Tandis qu'Andrew Niccol contemplait l'opposition entre les deux sociétés dans « Time Out » ou lorgnait vers la stylisation froide dans « Bienvenue à Gattaca », Neill Blomkamp préfère, quant à lui, le choix astucieux du survival movie puisant ses inspirations aussi bien au cinéma que dans les jeux-vidéos.
En 2154 – année pendant laquelle se déroulent les événements d'« Avatar » du king James Cameron, certainement pas un hasard – Max, un homme ordinaire campé par un Matt Damon bien en jambes, a une maladie incurable, on lui greffe alors un exosquelette, le rendant mi homme mi machine. Pourchassé par les 1% de « dominants » de la planète, réfugiés sur Elysium, Max n'a plus qu'une seule option : rallier la fameuse station orbitale pour s'y faire soigner.
« Elysium » est le blockbuster qu'on n'espérait plus cet été : un film ultra référencé, tout en étant savamment original. Pour filmer cette chasse à l'homme very Dickienne, Neill Blomkamp a, en effet, planché sur les classiques de ses aînés : ceux de Paul Verhoeven tout d'abord, « Robocop » évidemment (l'homme ravagé par une transformation robotique) & « Total Recall » (le sujet principal de la chasse à l'homme, le héros entravé sur une chaise à qui on essaye de subtiliser des données ancrées dans son cerveau, le design du robot policier au début). On pense également au maître Cameron (l'imagerie guerrière, l'exosquelette qui rappelle étrangement l'arme utilisée par Ellen Ripley dans « Aliens » pour combattre la reine xénomorphe), mais aussi à John Carpenter (l'horreur économique d'« Invasion Los Angeles », l'emblème du héros sauveur de « New York 1997 »), aux combats rageurs à la violence extrême de la saga « Mad Max », aux designs futuristes des long-métrages SF de Spielberg (« Minority Report »), ou enfin, à « Blade Runner » et à « Matrix », lorsque Neill Blomkamp s'amuse à transcender le milieu – underground – cyber punk (la musique techno / trance dans certaines séquences).
Les gamers ne seront pas en reste puisqu'il paraît évident que le jeune trentenaire surdoué & passionné a aussi révisé ses gammes du côté des jeux-vidéos, en tenant le joystick pendant de longues heures devant « Halo » ou « Mass Effect ». Ainsi, « Elysium » fourmille de détails issus de cet univers si dense, avec une direction artistique d'enfer, axée en ce sens : les machines qui guérissent les maladies d'un simple balayage laser alors que sur Terre, les hôpitaux sont bondés et vous renvoient vers une mort certaine, l'armement du bad guy, les grenades volatiles en sont des exemples plus que probants.
Rajoutez à cela, martelée en filigrane, la violence endémique qui sévit en Afrique du Sud, pays natal du metteur en scène, et vous obtiendrez la vraie originalité de « Elysium ». Car, la force du film de Blomkamp, c'est avant tout sa crédibilité et sa portée médiatique. Jodie Foster incarne une politicienne vénale aux faux airs de la chancelière allemande Angela Merkel. Los Angeles est transformé en guetto 100% hispanique. Tandis que la pauvreté conduit irrémédiablement aux accès de violence et au surpeuplement dans les favelas sur Terre, les riches profitent de leurs luxueuses demeures sur Elysium. Entre les deux, les immigrés s'entassent dans des vaisseaux spatiaux avec l'espoir de rejoindre la station, qui les accueille à tour de bras ou au lance-missiles. Métaphore certes manichéenne, mais réaliste – et pessimiste – de ce qu'est l'immigration aujourd'hui.
Pour mettre en scène les maux de notre monde (personnages triturés, brisés par la maladie, la violence, hantise de l'amputation, thèmes qui parlent au plus grand nombre … ), Neill Blomkamp conserve, à raison, dans sa mise en scène le même souci de réalisme de « District 9 », l'aspect chiadé, vintage bricolo, ainsi que le ton Greengrassien, avec omniprésence de la caméra à l'épaule.
Nous lui pardonnerons aisément des flashbacks visuellement assez grossiers et dégoulinants de sentiments, filmés dans un style proche de ceux de « The Island », ainsi que quelques ralentis, certes gracieux, mais en contraste total avec l'ultra réalisme souhaité. De même, la musique composée par Ryan Amon, pensante et étouffante, armée à grands renforts de redondants « BRÔÔÔM » Zimmeriens, chapardés sur les sons de corne de brume issus du score d'« Inception ». Enfin, gageons le « pathos » de certaines scènes, un poil dérangeant avec les personnages d'Alice Braga (transparente) et de sa fille.
Pour ce qui est des comédiens, comme évoqué plus haut, Matt Damon & Jodie Foster s'en sortent avec les honneurs, avec une mention pour Damon dans un rôle d'ouvrier revanchard pas si loin de Jason Bourne finalement (une machine programmée pour tuer, à l'état de veille et ne s'activant que lors de stimulii agressifs). Mais il faut surtout et indéniablement saluer la prestation hallucinante de Sharlto Copley, formidable en mercenaire déjanté qui tire sur tout ce qui bouge. L'acteur sud-africain retrouve son réalisateur de « District 9 » et a, semble-t-il, longuement travaillé son accent pour interpréter cette crapule sans cœur.
 
Bilan : Même s'il perd l'envergure des messages délivrés par « District 9 » et s'il n'est pas le chef d'œuvre SF attendu à cause de plusieurs défauts assez préjudiciables (musique, montage, flashbacks, vision un peu superficielle du compound des riches), « Elysium » demeure un excellent second long métrage dans la filmographie de Neill Blomkamp, digne héritier de James Cameron et Paul Verhoeven.
 
Anecdote : Avant que Matt Damon fasse valoir son pouvoir de star et s'impose sur le film, Neill Blomkamp avait l'idée d'embaucher le rappeur Eminem dans le rôle principal.
La Bande Annonce de Elysium:
 
 
NOTE: 8/10

1 commentaire:

  1. Pas très convaincu par ce film. Y a de très bonnes choses (le sous-propos, l'univers du film), mais à côté de ça, Bloomkamp ne sait pas utiliser la shaky cam comme un Greengrass et le scénario est finalement très convenu. Un peu déçu, mais ça reste de la SF de qualité.

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