Quelle étrange mouche a piqué Mr
Friedkin, réalisateur adoubé par les années 70 et déchu à l'aube
du XXIème siècle via de malheureux échecs en salles, au point
d'œuvrer à la conception d'objets artistiques indépendants, quasi
expérimentaux, en marge de la stratosphère hollywoodienne, si peu
encline à financer désormais des projets tel que ce Killer Joe.
Mais notre octogénaire n'en est plus à
son coup d'essai puisque son dernier passage sur les toiles, « Bug »,
adaptation d'une pièce de Tracy Letts, relevait déjà d'une étrange
atmosphère de huis clos.
Le synopsis de sa cuvée 2012,
elle aussi adaptée de Letts (décidément ces deux-là étaient
destinés à se rencontrer), retrace l'histoire de Chris, 22 ans,
petite frappe sans vergogne, dealer à ses heures et endetté
jusqu'au cou auprès de truands féroces, qui, pour rembourser ce
qu'il doit, cherche 6000 $. L'idée émerge alors, soutenue par père,
belle mère et sœur, d'assassiner la pauvre mère pour toucher le
pactole de l'assurance-vie. Un bémol : qui donc pour accomplir
la sale besogne ? Chris fait appel au Killer Joe du titre
éponyme, incarné par Matthew McConaughey, flic serviable le jour,
tueur à gages bougrement névrosé la nuit, pour assumer la lourde
tâche. Chris est sans sou en poche et Joe ne fait pas crédit ;
le bonhomme a ses principes, ses lois … jusqu'à ce que son monde
bouscule celui de Dottie, sœur cadette de Chris et accessoirement
jeune vierge farouche, qui devient alors jouet érotique de Joe.
William Friedkin signe un film très
noir, au ton amoral, riche d'un humour décomplexé, optimisant le
talent fou de Matthew McConaughey (séduisant, perturbant,
rassurant), ici à contre emploi total, dans un rôle à l'incroyable
prestance et à la violence inouïe, choquante certes, mais non
dénuée de cet humour malin-malsain décrit plus haut.
Les autres personnages du film sont
écrits et interprétés avec brio par une pléiade de seconds
couteaux (mention spéciale pour la très jolie Juno Temple, qui, si
nous en doutions encore, semble promise à une riche carrière).
En s'immisçant dans cette famille
loufoque, Friedkin explore les facettes d'une humanité plus
rebutante que jamais, et offre un thriller doté d'une patte
artistique surprenante.
Paroxysme d'immoralité sur des scènes
qui resteront immanquablement dans les mémoires (personne ne
regardera une chickenwing de la même façon désormais), et
laisseront le spectateur dans le doute et l'ambivalence, entre dégoût
et attirance.
Le film sera probablement cadenassé
par des réfractaires le réduisant à un simple déballage de
violence « gratuite », mais le condamner en cela serait
en soi immoral.
Le pestiféré d'Hollywood vient
assurément de redorer son blason avec ce qui s'avère être
certainement être l'un des meilleurs films de cette rentrée.
La Bande Annonce de Killer joe:
NOTE: 9/10
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