2009. Steven Soderbergh, le réalisateur le plus caméléon d'Hollywood, annonce sa pré-retraite cinématographique à la planète entière ; ce dernier estime avoir parcouru un sacré bonhomme de chemin dans l'industrie du 7ème art, chemin éprouvant et usant, déclare-t-il.
Pourtant, de façon paradoxalement assez surprenante, le metteur en scène américain Oscarisé, à la carrière riche et éclectique où la palme d'or « Sexe, mensonges et vidéo » côtoie aussi bien la trilogie so glam' « Ocean's » que les triomphes critico-publics « Erin Brockovich » / « Traffic », ou encore les projets fous expérimentaux « King of the hill », « Schizopolis », « Full Frontal », « Solaris », « Bubble », « Girlfriend Experience », en passant par le biopic académique du « Che », le metteur en scène donc intensifie le pas, se prend de boulimie de pellicules et réalise 3 films sur à peine 2 ans : le thriller palpitant « Contagion » tout d'abord, puis « Piégée », et enfin le carton estival 2012 « Magic Mike », tourné dans la foulée.
Aujourd'hui, Soderbergh officialise sa sortie de piste et propose son dernier long métrage format grand écran, le thriller médico-psychologique « Effets secondaires » – baptisé « Side Effects » dans le texte original, anciennement « The Bitter Pill » – avant le téléfilm « Behind the Candelabra », mis en boîte pour HBO, à paraître dans quelques mois et qui scellera définitivement la retraite du cinéaste.
Fidèle à la formule (gagnante) des dernières moutures, « Effets secondaires » se paye le luxe d'un casting 4 étoiles réunissant trois habitués de Soderbergh, Jude Law, Catherine Zeta-Jones, Channing Tatum, ainsi que la petite nouvelle, la charmante Rooney Mara.
Derrière la caméra, on retrouve également de fidèles collaborateurs de Soderbergh, que ce soient Gregory Jacobs à la production, ou bien la plume talentueuse de Scott Z.Burns, à qui l'on doit les succès « La Vengeance dans la peau » ou le docu « Une vérité qui dérange », et qui enfile ici la double casquette de scénariste / producteur.
Synopsis (source : Allociné) Un thriller centré sur la psychopharmacologie, l'étude de la façon dont les drogues affectent l'esprit humain.
« Le comportement du passé indique le comportement du futur » entend-on à un moment donné dans « Effets secondaires ». Connaissant la bête Soderbergh, nous aurions forcément pu parier qu'« Effets secondaires » était nettement plus complexe qu'il n'y paraissait dans la bande annonce.
Rappelez-vous déjà, avec « Contagion », Soderbergh, le technicien au sens millimétré du découpage, réussissait la prouesse d'allier pur divertissement commercial et œuvre empreinte d'une réalité sous-jacente reflet du monde contemporain, avec une réflexion poignante à la clé, le tout emballé via une mise en scène irréprochable (montage « planétaire » pour globaliser les concepts, BO contagieuse c'est le cas de le dire, signée Cliff Martinez, filtre jaunâtre poisseux représentant à merveille la maladie).
Eh bien, « Effets secondaires » reproduit avec succès l'identique schéma narratif percutant, ouvert initialement sur un fait divers pour évoluer judicieusement vers un problème de santé publique.
Le dernier long métrage estampillé Soderbergh recèle, en effet, un thriller subtil avec pour toile de fond l'univers de la psychiatrie et la médication délivrée sur ordonnance.
La mécanique pourrait paraître huilée, mais le scénario malin voisin du casse-tête chinois de Burns a cette force de nous faire décoller vers une superbe intrigue et des contrées inattendues, en nous évitant le piège de la surenchère propagandiste, sans jamais quitter l'univers de la fiction, divertissante et intelligente. Armé de dialogues minutieusement écrits, il fonctionne autour d'un thème socialement pertinent.
Côté mise en scène, exit le goût du risque « Contagion », le film choral et kaléidoscopique « Traffic », ou les effets de style multiples et variés des « Ocean's » (focales, zooms, split-screen) au profit d'une réalisation à la fois sobre et judicieuse. Capable de se fondre totalement dans la masse off-caméra, le trublion Soderbergh occupe également ici les postes de chef op' et de monteur, véritables points forts du film. Il opte cette fois pour une structure narrative linéaire ou presque (un flashback aux couleurs éclatantes, filmé caméra à l'épaule, vers la toute fin) et trouve pour « Effets secondaires » un langage visuel qui donne la chair de poule savamment dosée.
Soderbergh, c'est aussi et toujours l'art de s'entourer de personnalités improbables (George Clooney avec qui il fonda la société de production « Section Eight », la catcheuse Gina Carano dans « Piégée », la pornstar Sasha Grey dans « Girlfriend Experience », le stripteaseur Channing Tatum dans « Magic Mike », le casting over the top des « Ocean's »), ainsi qu'une utilisation surprenante de ses têtes d'affiche – rappelez-vous les décès brutaux et précoces de Gwyneth Paltrow & Kate Winslet dans « Contagion » – « Effets secondaires » s'inscrit dans la continuité de ces génériques assez fabuleux.
Chapeau pour Jude Law, initialement capitaine de son âme et de sa vie (appart' chic, boulot reconnu), sombrant peu à peu dans une véritable descente aux enfers. La néophyte Soderberghienne Rooney Mara trouve ici un rôle exquis, taillé sur mesure, après la consécration Lisbeth Salander. Elle y interprète avec brio Emily, jeune patiente fragile et vulnérable, subissant les affres de la médecine moderne. Son époux est incarné avec austérité par le nouveau chef de file des acteurs en vogue, j'ai nommé Channing Tatum (« Je te promets – The Vow », « 21 Jump Street », « Magic Mike », et les deux volets cinématographiques « G.I. Joe »). Enfin, Catherine Zeta-Jones, fidèle à son ambition dans les choix de ses rôles, réitère ici en interprétant la psychiatre Victoria Siebert, personnage à la fois raffiné et glaçant.
Bilan : Simple et complexe sur tous les points, « Effets secondaires » est une véritable surprise.
Le maître Soderbergh n'avait plus rien à prouver mais se montre capable de surprendre une dernière fois en une forme d'apothéose, portant un regard froid sur l'industrie pharmaceutique et ses dérives. Fort intéressant. Tu vas nous manquer Steven !
La Bande Annonce de Effets secondaires:
NOTE: 8,5/10
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