Hué par la presse internationale et gommé du planning des Oscars avant même l’annonce des nommés (la sortie américaine a, en effet, été repoussée à début 2014), « The Immigrant », anciennement baptisé « Low Life » puis « Nightingale », a également été boudé lors de son passage cannois en compétition officielle en mai dernier. Pourvu d'un casting alléchant (Joaquin Phoenix, Marion Cotillard, Jeremy Renner) et d'un metteur en scène talentueux derrière la caméra (James Gray, auteur de « Little Odessa », « The Yards », « La Nuit nous appartient », « Two Lovers »), le film sort en salles le mercredi 28 novembre face au mastodonte « Hunger Games – L'embrasement ».
Synopsis Allociné : 1921. Ewa et sa sœur Magda quittent leur Pologne natale pour la terre promise, New York. Arrivées à Ellis Island, Magda, atteinte de tuberculose, est placée en quarantaine. Ewa, seule et désemparée, tombe dans les filets de Bruno, un souteneur sans scrupules. Pour sauver sa sœur, elle est prête à tous les sacrifices et se livre, résignée, à la prostitution. L'arrivée d'Orlando, illusionniste et cousin de Bruno, lui redonne confiance et l'espoir de jours meilleurs. Mais c'est sans compter sur la jalousie de Bruno …
Avec « Two Lovers », James Gray délaissait le polar noir (« The Yards », « La Nuit nous appartient ») pour un mélo éblouissant et romanesque, aux allures de conte désarmant. Un film illuminé par son histoire, simple mais émouvante, mais aussi par son casting radieux (la beauté foudroyante du duo Joaquin Phoenix / Gwyneth Paltrow, le personnage très ambivalent interprété par Vinessa Shaw). « The Immigrant » poursuit sur cette lancée mélodramatique, mais manque peut-être d’intensité et d’émotions.
James Gray retrouve ses thèmes de prédilection (l’immigration, la ville qui ronge les habitants, l’humanité en putréfaction), et le film pourrait s’apparenter à une antithèse de « Gatsby le magnifique ». Les mêmes sujets y sont, en effet, abordés de manière frontale par un réalisateur engagé, hanté par les fantômes du passé, avec un point de vue en quasi miroir de celui de Fitzgerald : le début des années 1920, la puissance de l’argent, le rêve américain (dont l’ambassadeur est ici Orlando alias Jeremy Renner), l'adultère, la recherche du bonheur, la quête désespérée, la traversée de la mondanité, des apparences et de la luxure … Jolie proposition bien que dénuée d’authentiques bouffées narratives, mais la froideur qui dégage de « The Immigrant » (excepté sur la fin) échoue complètement d’empathiser le spectateur.
On peut tout de même féliciter Gray pour le travail d’orfèvre réalisé sur la reconstitution d’époque et la mise en scène : la lumière crépusculaire somptueuse et la photo brune dorée, tendance sépia, du chef op’ Darius Khondji, les costumes fidèles aux origines des personnages, les cadrages soignés et éclatants, l’élégance de l’ensemble, le plan final brillant, traduisant à la perfection les trajectoires de vie opposées des protagonistes, l’impeccable direction d’acteurs avec notamment un Joaquin Phoenix une nouvelle fois formidable (en maquereau des héritières industrielles) et une Marion Cotillard irréprochable (un accent polonais hallucinant, un jeu nuancé, une grâce inespérée sur la fin).
Bilan : « The Immigrant », nouveau long-métrage en demi-teinte du cinéaste James Gray, est nappé d’un classicisme délicieux (photo splendide de Khondji, mise en scène sublime). Le contenu est, en revanche, nettement moins onctueux et n’atteint jamais la puissance de ses précédents films.
Anecdote : James Gray dût abandonner le titre « Low Life » à cause d’un problème de droit. Un roman portait, en effet, déjà le nom « LowLife » (pas tout à fait le même donc puisque non séparé en deux mots distincts) et son auteur, Luc Sante, exprima personnellement à Gray son refus que ce titre soit utilisé. Le film a ensuite été retitré « The Untitled James Gray Movie » pendant un long moment, jusqu’à ce que le metteur en scène entende un jour le speech d’une actrice qui disait « le chant du rossignol est plus doux aux heures sombres ». Il décida donc de rebaptiser son film « Nightingale » (traduction anglaise de « Rossignol »), titre hélas détesté par son entourage personnel. Il reprit alors le titre « Low Life », mais le studio insista pour qu’il change de nouveau. Il opta finalement pour une dénomination plus convenue : « The Immigrant ».
La Bande Annonce de The Immigrant:
NOTE: 6/10