Après avoir fait ses
armes au format court-métrage, Fred Cavayé a amorcé son passage au
long dès 2008 en dirigeant le tandem Vincent Lindon / Diane Kruger
dans l'excellent thriller « Pour Elle ». On le retrouve
deux ans plus tard aux commandes du remarqué « A bout
portant », où la réalisation nerveuse place un Gilles
Lellouche torturé au centre d’un chassé-croisé criminel dans la
capitale. Son nouveau film, « Mea Culpa », en salles le 5
février prochain, affiche une distribution-somme de cette
filmographie naissante : Vincent Lindon & Gilles Lellouche au
sommet dans une nouvelle intrigue policière à vif… Verdict ?
Synopsis :
Policiers à Toulon, Simon et Franck fêtent la fin d’une mission.
Alcoolisé, Simon prend le volant de la voiture qui les ramènera
chez eux… En route, ils percutent un autre véhicule. Les deux
flics sont blessés mais le bilan est dramatique : deux victimes
dont un enfant. Simon va tout perdre, famille comme job. Six ans plus
tard, Simon est devenu un convoyeur de fonds divorcé qui peine à
tenir son rôle de père auprès de son fils de 9 ans, Théo. Franck,
toujours flic, veille à distance sur lui. Lors d'une corrida, Théo
va être malgré lui le témoin d'un règlement de compte mafieux.
Une fois de plus, les destins des deux flics de Toulon vont basculer.
Logiquement, c’est
à la mise en scène qu’il faut rendre un hommage enthousiaste
; les influences de Fred Cavayé sont en effet réappropriées avec
brio. L’action est riche, jamais illisible et toujours captivante.
Le réalisme terre-à-terre et le premier degré qui noircissent le
ton du film auraient pu lui coûter sa crédibilité. Ils se marient
pourtant avec aisance à des situations audacieuses, des grandes
poursuites américanisées aux duels esthétisés en silhouettes ou
en spectres. Impossible de bouder son plaisir face à un français
qui cite visuellement Nicolas Winding Refn au détour d’un néon
rouge feu.
Le bon fonctionnement
de ce thriller tient aussi à ses deux interprètes
principaux : prestations inspirées de Vincent Lindon &
Gilles Lellouche. Saluons également l’habileté avec laquelle le
scénario les confronte puis les rassemble.
Mais c’est un
casting très inégal qui profite particulièrement au duo de
tête ; en arrière-plan, très rares sont les seconds rôles qui
tirent leur épingle du jeu, la faute à un script favorisant le
raccourci stéréotypé et passe-partout plutôt qu’une écriture
concrète au-delà des enjeux centraux. Les ennemis sont de grands
méchants patibulaires, caricatures minutieuses des trafiquants
étrangers comme on en croise très fréquemment dans les productions
EuropaCorp (exemple récent des deux « Taken »). Un
manichéisme assourdissant qui masque presque les réussites
artistiques ou narratives de « Mea Culpa ».
Le final est à ce
titre une bouffée d’air frais in extremis. Il intervient en effet
au moment opportun pour épaissir un propos général qui, sur la
durée, se révèle malheureusement un poil inconsistant, voire
fragile. Et alors même que toutes les cartes d’un thriller
très classique avaient pu sembler abattues, ce dernier acte prend
les devants d’une conclusion qui en définitive évite d’être
prévisible et bancale. On est soulagés de voir l’arc narratif
majeur être soutenu par une réflexion intelligente qui développe
les liens entre nos deux héros. A défaut de compléter la maigreur
des autres backstories, le final compense au moins les
faiblesses d’une histoire somme toute très bien rythmée.
Dans d’autres
registres, dressons une critique positive de la bande-originale
envoûtante de Cliff Martinez. Le compositeur américain d’ordinaire
au sommet chez Harmony Korine et surtout Nicolas Winding Refn (encore
lui !) ne perd ici rien de sa superbe en déroulant un score
impressionnant et souvent en parfaite adéquation avec les images.
Enfin, relevons un travail conséquent sur les décors, très
appréciables ; leur diversité accentue la fluidité, la
richesse et l'ampleur des péripéties.
En deux mots :
« Mea Culpa » se révèle être un film d’action
nerveux et franchement pas insipide. En son centre, deux comédiens
solides que Fred Cavayé sait mettre en valeur par une recherche
artistique singulière dans la production française. Malgré un
final stimulant, on lui regrette cependant un manque réel
d'épaisseur scénaristique qui lui conférerait l’étoffe d’un
grand film français.
NOTE 6.5/10
Article rédigé par
Douglas Antonio
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