Avec
deux courts et un moyen-métrage à son actif (respectivement « Le
Funambule », « Le Naufragé » et « Un monde
sans femmes »), le réalisateur français Guillaume Brac
méritait amplement de passer au format long. C'est désormais chose
faite avec « Tonnerre », en salles le 29 janvier. Conversion calibre cinéma réussie ?
Synopsis
Allociné :
Un rocker trop sentimental, une jeune femme indécise, un vieux père
fantasque. Dans la petite ville de Tonnerre, les joies de l’amour
ne durent qu’un temps. Une disparition aussi soudaine
qu’inexpliquée et voici que la passion cède place à l’obsession.
Dans
le sensible « Un monde sans femmes », Guillaume Brac
présentait une jolie histoire estivale. Avec « Tonnerre »,
titre emprunté au nom de la petite bourgade de Bourgogne où se
situe l'action, c'est dans un véritable conte d'hiver très noir
qu'il nous transporte cette fois. Changement de saison, mais thèmes
sensiblement semblables, Brac semble avoir trouvé son « terrain
de prédilection » : raconter, étudier l'Amour sous
toutes ses coutures, de la romance de couple aux tendres échanges
père – fils, mais aussi les vertiges et conséquences d'une
relation sentimentale, ainsi que la perte d'un être cher.
D'une
histoire d'amour bourrée de maladresses, positionnée par deux
protagonistes réservés et quelques scènes cocasses –
illustration parfaite avec celle où Mélodie surprend en pleine nuit
le père de Maxime (Bernard Ménez, touchant) aux toilettes – le
cinéaste nous délivre, étape par étape, une étude de mœurs
surprenante et audacieuse, pimentée d'un glissement inattendu vers
le genre du polar. Éloignement des personnages le temps d'un
week-end, rupture inopinée et dénuée d'explications, Guillaume
Brac explore alors peu à peu avec grâce et une étonnante justesse
le sujet délicat de la séparation sentimentale brutale, marquée
ici par l'indifférence totale de l'un des partis. Les actes
romantiques de Maxime prennent dès lors une tournure extrême :
l'homme devient violent et rongé par l'obsession de retrouver sa
promise, mais Guillaume Brac parvient avec brio à définir la
sensibilité nécessaire pour que l'on éprouve de l'empathie. C'est
ainsi qu'on devient à la fois juge et parti d'une confrontation
intelligente entre loi et morale, innocence et culpabilité.
Si
le scénario est particulièrement généreux et sincère, le cinéma
de Brac brille également lorsqu'il n'a « rien » à
raconter, du moins en apparences : exemple typique avec les
longues promenades du couple dans le village enneigé de Tonnerre (la
beauté du cadre), ou la discussion hasardeuse entre un serveur et
Maxime (le sens du détail). Au programme, amertume glaciale &
réflexions nostalgiques façon Eric Rohmer !
« Tonnerre »
resplendit également grâce aux ruptures de ton et au spleen very
baudelairien. Outre l'atmosphère, la poésie est caractérisée par
les textes [à l'appui, la force des dialogues et des références à
Voltaire / Musset], mais aussi dans l'esthétique Rozierienne – on
pense notamment à la sublime photographie et la scène au bord du
lac à l'origine de l'affiche du film.
À
l'instar de son rôle dans « Un monde sans femmes »,
Vincent Macaigne excelle une nouvelle fois en antihéros romantique,
un rockeur aux cheveux hirsutes timide et immature, puis obsédé et
tourmenté. Solène Rigot se montre épatante en jeune femme perdue
fuyant un Amour qui n'a de cesse de la rattraper. Bernard Ménez, un
des acteurs marquants de Jacques Rozier (tiens donc), apporte, quant
à lui, une touche burlesque bienvenue, et déploie son incroyable
talent lors des séquences émouvantes père – fils.
Conclusion :
Coup de foudre pour « Tonnerre », premier long-métrage
osé du cinéaste (à suivre) Guillaume Brac. Dosage quasi parfait
entre le drame et la comédie, audace à tous les niveaux et
comédiens bien en jambes, à commencer par Vincent Macaigne, qu'on
espère sacré meilleur espoir dans quelques semaines aux César.
Anecdote :
Pour son premier long, Guillaume Brac, formé à La Femis, s'est
entouré d'anciens élèves de l'école, de l'écriture à la
distribution, en passant par le montage ou encore la production, on
les retrouve quasiment à toutes les étapes de la réalisation.
La Bande Annonce de Tonnerre:
NOTE : 7.5/10
Article rédigé par Robin Fender (avec la participation de Justine Blache)
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