mardi 4 février 2014

Tonnerre

Avec deux courts et un moyen-métrage à son actif (respectivement « Le Funambule », « Le Naufragé » et « Un monde sans femmes »), le réalisateur français Guillaume Brac méritait amplement de passer au format long. C'est désormais chose faite avec « Tonnerre », en salles le 29 janvier. Conversion calibre cinéma réussie ?
Synopsis Allociné : Un rocker trop sentimental, une jeune femme indécise, un vieux père fantasque. Dans la petite ville de Tonnerre, les joies de l’amour ne durent qu’un temps. Une disparition aussi soudaine qu’inexpliquée et voici que la passion cède place à l’obsession.
Dans le sensible « Un monde sans femmes », Guillaume Brac présentait une jolie histoire estivale. Avec « Tonnerre », titre emprunté au nom de la petite bourgade de Bourgogne où se situe l'action, c'est dans un véritable conte d'hiver très noir qu'il nous transporte cette fois. Changement de saison, mais thèmes sensiblement semblables, Brac semble avoir trouvé son « terrain de prédilection » : raconter, étudier l'Amour sous toutes ses coutures, de la romance de couple aux tendres échanges père – fils, mais aussi les vertiges et conséquences d'une relation sentimentale, ainsi que la perte d'un être cher.
D'une histoire d'amour bourrée de maladresses, positionnée par deux protagonistes réservés et quelques scènes cocasses – illustration parfaite avec celle où Mélodie surprend en pleine nuit le père de Maxime (Bernard Ménez, touchant) aux toilettes – le cinéaste nous délivre, étape par étape, une étude de mœurs surprenante et audacieuse, pimentée d'un glissement inattendu vers le genre du polar. Éloignement des personnages le temps d'un week-end, rupture inopinée et dénuée d'explications, Guillaume Brac explore alors peu à peu avec grâce et une étonnante justesse le sujet délicat de la séparation sentimentale brutale, marquée ici par l'indifférence totale de l'un des partis. Les actes romantiques de Maxime prennent dès lors une tournure extrême : l'homme devient violent et rongé par l'obsession de retrouver sa promise, mais Guillaume Brac parvient avec brio à définir la sensibilité nécessaire pour que l'on éprouve de l'empathie. C'est ainsi qu'on devient à la fois juge et parti d'une confrontation intelligente entre loi et morale, innocence et culpabilité.

Si le scénario est particulièrement généreux et sincère, le cinéma de Brac brille également lorsqu'il n'a « rien » à raconter, du moins en apparences : exemple typique avec les longues promenades du couple dans le village enneigé de Tonnerre (la beauté du cadre), ou la discussion hasardeuse entre un serveur et Maxime (le sens du détail). Au programme, amertume glaciale & réflexions nostalgiques façon Eric Rohmer !

« Tonnerre » resplendit également grâce aux ruptures de ton et au spleen very baudelairien. Outre l'atmosphère, la poésie est caractérisée par les textes [à l'appui, la force des dialogues et des références à Voltaire / Musset], mais aussi dans l'esthétique Rozierienne – on pense notamment à la sublime photographie et la scène au bord du lac à l'origine de l'affiche du film.
À l'instar de son rôle dans « Un monde sans femmes », Vincent Macaigne excelle une nouvelle fois en antihéros romantique, un rockeur aux cheveux hirsutes timide et immature, puis obsédé et tourmenté. Solène Rigot se montre épatante en jeune femme perdue fuyant un Amour qui n'a de cesse de la rattraper. Bernard Ménez, un des acteurs marquants de Jacques Rozier (tiens donc), apporte, quant à lui, une touche burlesque bienvenue, et déploie son incroyable talent lors des séquences émouvantes père – fils.
Conclusion : Coup de foudre pour « Tonnerre », premier long-métrage osé du cinéaste (à suivre) Guillaume Brac. Dosage quasi parfait entre le drame et la comédie, audace à tous les niveaux et comédiens bien en jambes, à commencer par Vincent Macaigne, qu'on espère sacré meilleur espoir dans quelques semaines aux César.
Anecdote : Pour son premier long, Guillaume Brac, formé à La Femis, s'est entouré d'anciens élèves de l'école, de l'écriture à la distribution, en passant par le montage ou encore la production, on les retrouve quasiment à toutes les étapes de la réalisation.

La Bande Annonce de Tonnerre:

NOTE : 7.5/10
Article rédigé par Robin Fender (avec la participation de Justine Blache)

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