jeudi 5 décembre 2013

Fruitale Station

Après avoir raflé plusieurs mises lors de prestigieux festivals (Sundance, Cannes, Deauville pour ne citer qu'eux) et conquis le cœur de millions d'américains, dont celui du président Barack Obama, « Fruitale Station », premier long-métrage de Ryan Coogler porté par le jeune et talentueux Michael B. Jordan (révélé par les excellentes séries « The Wire » et « Friday Night Lights ») et produit par Forest Withaker, sortira en salles le 1er janvier prochain dans l'hexagone.
Synopsis Allociné : Le 1er janvier 2009 au matin, Oscar Grant, 22 ans, croise des agents de police dans la station de métro Fruitvale, San Francisco. Le film raconte les vingt quatre heures qui ont précédé cette rencontre.
La puissance d'un « Elephant » dans la mise en scène, la portée d'un « American History X » dans le propos, voilà comment on pourrait résumer simplement « Fruitvale Station ».

Le fait réel dont est inspiré « Fruitvale Station » avait fait grand bruit aux Etats-Unis, en faisant la Une des médias dans tout le pays et en alimentant les controverses pour plusieurs raisons : tout d'abord le contexte racial, un policier blanc qui abat de sang froid un jeune afro-américain, de quoi évidemment soulever les mœurs. Pour des motifs politiques également : selon l'appartenance politique des uns et des autres, Oscar était tantôt présenté comme un saint qui n'avait rien fait de mal toute sa vie, ou comme un monstre qui n'avait eu que ce qu'il méritait cette nuit-là. On dénombre également plusieurs émeutes ou rassemblements pacifistes un peu partout aux USA durant les jours qui ont suivi l'événement, puis lors du procès. Enfin, le dénominateur commun sociétal : les témoins ayant filmés cette tragédie à l'aide de leurs smartphones – les images vidéos disponibles sur toutes les plate-formes web dans les premières heures après les faits ont été visionnées des millions de fois – ont pu fournir des preuves irréfutables pour le jugement. Des raisons qui ont poussé le jeune metteur en scène Ryan Coogler (26 ans à peine) à « mondialiser » le propos sous-jacent en réalisant un film. Qui plus est fictionnel avec l'argumentaire d'un délai rapide de production et une adoption de point de vue d'un personnage. La démarche est sincère, humaine et respectueuse, et force est de constater qu'il est impossible de sortir indemne de « Fruitvale Station ».
« Fruitvale Station » est, en effet, un long-métrage fort et rageant, qui brosse dans sa première heure le portrait poignant d'un homme ordinaire, meurtri par des conflits intérieurs et/ou des tracas du quotidiens (réinsertion dans la société après avoir purgé une peine de prison, addiction au cannabis et tentatives désespérées de sevrage, licenciement, conflits conjugaux …), mais aussi porté par des vrais espoirs (une volonté de s'en sortir et de se restructurer, l'amour de sa femme et de sa fille, un entourage familial encourageant). Bref, un film « narratif », qui inscrit le spectateur au plus près du protagoniste principal. On peut d'ores et déjà saluer 2 points forts : la mise en scène de Coogler, suffisamment sobre et vivante (les textos qui apparaissent à l'écran), et la prestation hallucinante de Michael B. Jordan qui porte le film sur ses épaules et crée aisément l'empathie chez le spectateur. La charge émotionnelle est accentuée dans un final tendu et puissant, d'une intensité rare et filmé de la plus admirable des façons en temps réel.
Gros bémols néanmoins sur l'académisme et le pathos qui émanent de « Fruitvale Station », avec l'accent mis en avant sur de nombreux détails « tire-larmes » : de l'hésitation d'Oscar à se rendre à sa soirée du réveillon – qui le conduira à son destin tragique – à l'hypersensibilité auditive de sa fille (le bruit des pétards), révélée peu de temps avant que son père ne soit abattu, en passant par le message d'Octavia Spencer, incarnant avec justesse la mère d'Oscar et implorant quasiment son fils de prendre le métro (lieu de la bavure policière impardonnable) plutôt que de conduire sa voiture en potentiel état d'ébriété. Ces éléments donnent du coup une sale impression de « colère organisée » pour soulever le public et déchirer les cœurs. Le fait divers gonflé au pathos pour émouvoir, en somme. Dommage !
Bilan : « Fruitvale Station » enfonce certes des portes ouvertes, verse dans le braquage lacrymal sur la fin, est standardisé sur un scénario à grosses ficelles, mais est pourtant parcouru d'incroyables fulgurances : la générosité, l'énergie et la maîtrise de Ryan Coogler, le talent de composition de Michael B. Jordan, le fait divers point de départ, suffisamment révoltant pour émoustiller et chagriner.
Anecdote : Plusieurs amis du réalisateur Ryan Coogler, avec qui ce dernier a grandi, sont dans le film et interprètent les amis d'Oscar.

Anecdote 2 : Melonie Diaz, l'interprète de la petite-amie d'Oscar, a passé son premier rendez-vous avec le réalisateur par Skype.
 
La Bande Annonce de Fruitvale Station:
 
 
NOTE: 6/10

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