Blue
Velvet (1986) | David Lynch
David Lynch est un de
ces réalisateurs anti-conventionnel s’écartant des codes de
narration traditionnels. Avec Blue Velvet, son
quatrième long-métrage, le cinéaste américain se rapproche du
style novateur et surréaliste avec lequel il s’était fait
connaître, reconnaissable notamment dans Eraserhead
(1976), son premier film.
En arrosant sa pelouse, Mr. Beaumont est victime d'une crise
cardiaque. Sur le chemin de l'hôpital, son fils, Jeffrey, découvre
une oreille coupée. Flanqué de sa petite amie, il mène l'enquête
pour savoir à qui appartient cette oreille et ce qui se cache
derrière cette découverte macabre. Cette investigation va le
plonger dans un monde étrange et sordide où évoluent, entre
autres, Dorothy Vallens, une chanteuse de cabaret psychologiquement
fragile, et Frank Booth, un dangereux psychopathe pervers.
Dans ce thriller
déroutant et cauchemardesque, David Lynch propose un voyage
initiatique où le désir de voir conjointement sous les apparences
et stéréotypes est plus fort que d’avoir une petite vie bien
rangée et socialement recevable.
Par son style unique, le
cinéaste américain gratte le vernis d’une Amérique puritaine à
l’apparence tranquille et lisse en y injectant sexe, violence, peur
et honte. Grâce à un scénario simple mais parfaitement ficelé,
plus personnel que ses précédents films, Lynch fait imploser
l’enclave paradisiaque des quartiers résidentiels hauts en couleur
plaçant le spectateur dans un voyeurisme sans limite et un univers
décalé. Il s’agit d’une séparation nette entre le « monde »
tel qu’il pourrait paraître et « l’immonde » où
fourmillent (à l’image des insectes filmés au début du film) les
vices et la perversité, pourtant réels, du monde humain.
Il est assez fascinant de
voir comment le cinéaste transforme une découverte un peu morbide
et une enquête d’apparence banale en une expérience éducatrice
et dérangeante de la vie nécessitant un passage par des obsessions
majeures, perturbantes et perverses, tant pour les personnages que
pour le public.
David Lynch impose son
genre par une mise en scène qui travaille les jeux de couleurs
passant d’une vie à la surface duveteuse – colorée, unie, vive
– à une vie aux pires travers – sombre, taciturne et
particulièrement malsaine. Par son regard sombre et halluciné sur
la réalité humaine, le cinéaste dérange son public en le
transportant dans un monde onirique et aux plaisirs troubles et
pernicieux. Les allers-retours de la caméra intègrent le spectateur
dans le jeu troublant du chat et de la souris auquel s’adonnent les
personnages. Blue Velvet regorge de cadres et scènes
enivrantes qui permettent de dépasser sa noirceur vicieuse pour
envoûter le spectateur dans un spectacle délicieusement impur et
profond.
Le tout est royalement
servi par Kyle MacLachlan, le personnage à l’âme égarée et
curieuse, mystérieux et quasi fantomatique mais totalement adapté
au style « lynchéen ». Sa performance s’avère
brillante, autant que celle de Dennis Hopper qui incarne là le rôle
le plus angoissant et troublant de sa carrière. Le personnage
féminin de Dorothy Vallens, joué par Isabella Rossellini, s’impose
en contraste avec celui de Sandy Williams (Laura Dern), toutes deux
servant des scènes interprétées avec brio.
Comme dans tout Lynch qui
se respecte, la conception sonore est méticuleuse. La
bande-originale d’Angelo Badalamenti aux tendances rock a une place
privilégiée dans Blue Velvet. La chanson « Blue
Velvet » de Bobby Vinton introduit le film et le clôture,
cette fois-ci interprétée par l’actrice Isabella Rossellini. La
musique n’est en rien laissée au hasard, elle contribue grandement
à l’ambiance du film alternant les morceaux rock aux sons
oppressants lors des instants de suspense.
Le génie de Lynch réside
dans un exercice de contraste s’équilibrant parfaitement : le
bon, le méchant ; la vie tranquille et la dérangeante ;
la blonde calme et posée, la brune sordide et suicidaire ; le
rock et les morceaux troublants.
Avec Blue Velvet,
David Lynch signe une « masterpiece » du cinéma du XXème
siècle. Ce long-métrage est aujourd’hui considéré par
Entertainment Weekly comme l’un des 100 plus grands films jamais
réalisés et sélectionné par the American Film Institute comme
l’un des 10 meilleurs films à énigme.
Article rédigé par Cléa Carré
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